Le Pacifique
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Ce rapport s’intéresse au rôle des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans le Pacifique. Il conclut que la situation varie d’un pays à l’autre, et varie considérablement à l’intérieur d’un même pays, mais qu’aucun n’est particulièrement bien desservi ou prêt à exploiter les TIC pour surmonter la contrainte de la distance qui est problématique dans toute la région.
Regrouper le Pacifique n’est pas tâche facile. Différentes organisations internationales englobent différents pays et territoires.
En gros, le Pacifique[1] se divise en quatre groupes principaux:
- La Polynésie dans le Pacifique Sud-Est (les Îles Cook, les Samoa américaines, Samoa, Tokelau, Niue, Tonga)
- La Mélanésie dans le Pacifique Sud-Ouest (Fiji, Vanuatu, Tuvalu, les îles Salomon, Kiribati, Nauru, Papouasie Nouvelle-Guinée)
- Les pays et territoires francophones du Pacifique (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis et Futuna)
- Les pays et territoires du Pacifique Nord (États fédérés de Micronésie, Palau, les Mariannes du Nord, Guam, les îles Marshall).
Les pays sont généralement de petite taille à presque tous égards : petites populations (Niue et Tokelau ayant moins de 1 500 habitants), petites économies (Niue et Tokelau sont à peine viables économiquement malgré une aide extérieure considérable ; Tuvalu et les îles Salomon sont également très pauvres) et petites superficies (Nauru, Tokelau et Tuvalu ont moins de 100 kilomètres carrés et de maigres ressources naturelles).
Il y a quelques exceptions : la Papouasie Nouvelle-Guinée compte plus de six millions d’habitants et Fiji et les îles Salomon en ont chacune plus de 500 000. La Papouasie Nouvelle-Guinée a également une énorme superficie par rapport aux autres, et possède de vastes ressources naturelles. L’économie des Fiji, malgré quatre coups d’État en vingt ans, est plutôt prospère. Guam, la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie et d’autres territoires qui sont fortement assistés par un État étranger (comme la France, les États‑Unis, la Nouvelle-Zélande) s’en sortent également assez bien.
Plutôt que de survoler rapidement chaque pays, nous allons nous attarder sur Samoa, souvent considéré comme un modèle en ce qui concerne les TIC dans le Pacifique, et souligner certaines aberrations de ce modèle.
Samoa est donné en exemple pour sa politique de libéralisation et ses réalisations dans le domaine des TIC et des télécommunications dans la région.
Au début du siècle, le Premier ministre de Samoa, Tuilaepa Aiono Sailele Malielegaoi, s’est rendu compte du rôle que pouvaient jouer les technologies de l’information et les télécommunications pour apporter la prospérité dans son pays et est donc devenu le ministre des TIC. Ce faisant, il a jeté les bases d’une future politique avant de déléguer ce rôle à d’autres responsables de son cabinet.
Peu d’autres chefs d’État dans le Pacifique accordent une telle priorité aux TIC. La seule exception est Jimmie Rodgers, le chef du Secrétariat de la Communauté du Pacifique – l’organe opérationnel de l’association des États et territoires du Pacifique. J. Rodgers a pu constater directement le pouvoir que l’information peut donner et prend des mesures pour donner aux populations du Pacifique les moyens d’accéder à l’internet, en particulier dans les îles et les communautés éloignées.
On a vu quelques avancées également dans la Stratégie numérique régionale du Secrétariat du Forum des îles du Pacifique[2]et la Déclaration de Wellington[3], produite par un forum de ministres des communications qui a eu lieu à Wellington en mars 2006. Il existe d’autres poches de progrès dans le Pacifique, mais à un rythme de tortue.
SamoaTel est le fournisseur étatique des télécommunications de Samoa. Sa licence, qui lui donne le monopole des lignes terrestres et des circuits internationaux, expire en juillet 2009.
La concurrence dans les télécommunications a commencé au siècle dernier lorsque le secteur privé est entré en concurrence pour offrir les services internet. En 2000, trois fournisseurs de services internet (FSI) permettaient aux consommateurs le choix de leurs fournisseurs et des services. Ce chiffre a doublé depuis. Samoa a ouvert les services cellulaires à la concurrence en 2006 avec l’octroi de trois licences de systèmes GSM – une à SamoaTel, une à un fournisseur titulaire du service téléphonique mobile évolué (AMPS), Samoa Cellular, et une à Digicel[4].
Les services internationaux sont un monopole autorisé accordé à SamoaTel, bien que Digicel ait le droit d’exploiter sa propre passerelle internationale, mais seulement pour son propre usage.
Le gouvernement a fait savoir qu’il voulait privatiser SamoaTel d’ici la fin de la décennie, dans le cadre d’une stratégie à long terme visant à faire sortir l’État de domaines où le secteur privé a sa place[5].
D’autres pays ouvrent également leurs marchés des télécommunications, en particulier les services cellulaires et des FSI. Digicel étend ses activités aux Fiji, à la Papouasie Nouvelle-Guinée, à Tonga et à Vanuatu. Son arrivée sur de nouveaux marchés n’a pas été sans soulever des controverses et des poursuites devant les tribunaux. Mais les gens votent avec leur téléphone et la concurrence est chaleureusement accueillie par tous (sauf peut-être par les opérateurs historiques).
L’autre aspect en rapport avec le monopole des télécommunications étatiques est le manque de personnes indépendantes et pourtant en mesure de donner des conseils. L’entreprise de télécoms locale est souvent la seule source de conseils dont disposent les gouvernements des petits pays en ce qui concerne l’organisation du marché – et une entreprise titulaire dominante qui encourage la concurrence serait difficile à trouver n’importe où.
Lorsque Samoa a eu récemment la possibilité de se connecter à deux câbles sous-marins, l’entreprise étatique – la principale source de conseils pour le gouvernement – a donné un avis défavorable afin de pouvoir garder son monopole sur les connexions par satellite et micro-ondes.
Samoa a heureusement reçu d’autres conseils, mais en raison des restrictions imposées dans le contrat et les accords d’atterrissage, les litiges ne vont pas manquer, et tout cela par manque d’expertise locale indépendante.
Samoa, comme la plupart des pays du Pacifique, obtient sa connectivité par satellite, ce qui est relativement cher et d’assez mauvaise qualité (latence, écho et bruit importants) et d’une capacité réduite.
Plusieurs projets étaient en cours en 2008 ou tout au moins envisagés pour amener la fibre sous-marine jusqu’aux îles. Aux Samoa américaines, un câble inutilisé est réacheminé pour fournir une connexion directe vers la Nouvelle-Zélande et Hawaii. Et Samoa prévoit d’ajouter une liaison sous-marine connexe sur les 60 kilomètres entre les Samoa américaines et Samoa – en superposition sur la nouvelle liaison.
Une autre initiative qui assurera la liaison entre de nombreux pays du Pacifique semble plus intéressante, bien que rien n’ait encore été convenu. Les Français prévoient des liaisons vers leurs territoires du Pacifique et demandent la participation d’autres territoires sur cette route. Ce projet est facilité par Rodgers, ce qui montre bien toute l’influence que peut avoir une personnalité politique dans le Pacifique.
L’arrivée de fibre sous-marine dans chaque pays fera faire un bond à la capacité. Mais de nombreux pays sont composés de centaines de petites îles dispersées, dont certaines ont de minuscules populations. L’atterrissage de la fibre dans une capitale sera déjà délicat et il ne semble pas réaliste de connecter des communautés encore plus éloignées.
Pour bon nombre de ces petites îles et les communautés très éloignées, le Secrétariat de la Communauté du Pacifique prévoit d’installer des petites stations terrestres de télécommunication par satellite qui assureront le service. La viabilité est un des aspects fondamentaux de cette initiative et dans les projets pilotes des îles Salomon, un certain nombre d’usagers locaux participent à l’investissement – écoles, cliniques, banques, industries minières et autres – afin que les coûts mensuels du satellite soient recouvrables. L’entretien et le remplacement des immobilisations feront finalement partie du programme.
Samoa a commencé à formuler une stratégie de TIC nationale en 2002 et l’a terminée l’année suivante à la suite de nombreuses consultations dans tout le pays.
Au début de 2000, le Programme des Nations Unies pour développement (PNUD) préconisait fortement la formulation de plans stratégiques de TIC, mais peu ont été réalisés et encore moins au niveau de celui de Samoa. Fiji, qui a déjà une population relativement importante et une connexion par le câble de fibre sous-marin Croix du Sud, fait exception et cherche à développer un secteur des TIC national qui offrira des services à ses voisins.
Outre la volonté politique, il faut créer des règles du jeu équitables. Certains pays tentent d’y arriver en laissant faire le marché, mais ce n’est pas un bon modèle, en particulier pour les petites économies. Même la Nouvelle-Zélande, qui a tenté pendant plus de dix ans d’utiliser les forces du marché et de faire jouer la concurrence, a finalement mis en place un régulateur.
Samoa a créé un régulateur des télécommunications en 2006. Depuis lors, il tente de réduire les pouvoirs d’un monopole (SamoaTel) ou d’un duopole (SamoaTel et Digicel).
Le contexte réglementaire implique des coûts à court terme puisqu’on empêche artificiellement le fournisseur de services dominant de prédominer sur les autres titulaires. La marge de manœuvre du régulateur est très étroite, mais son rôle est particulièrement important dans les petites économies.
De nombreux pays ont de graves problèmes financiers. Ils se servent souvent de leur fournisseur de télécommunications étatique monopolistique pour imposer une taxe indirecte sur les communications. Ils sont nombreux également à considérer le matériel de TIC, y compris les ordinateurs et les logiciels, comme des biens de luxe et imposent un tarif à l’importation – non pour protéger le secteur national mais pour produire des revenus.
En 2002, le gouvernement de Samoa a éliminé les suppléments de tarif sur les biens de TIC, considérés comme des biens de nature générale.
Outre la volonté politique, c’est la communauté qui doit prendre en charge le déploiement des TIC dans un pays – infrastructure, approvisionnement et compétences. A Samoa, l’adoption des TIC est généralisée. Les écoles des villages éloignés, comme le collège Leuluoega (un lycée), en voient tout l’intérêt et leur ont consacré un partie de leurs ressources limitées pour que leurs élèves possèdent au moins des compétences élémentaires.
Samoa a la chance d’avoir un certain nombre d’entrepreneurs du secteur privé dans les TIC. Aitken Fruen est le PDG de iPasifika et Laeimau Oketevi Tanuvasa est le PDG de l’entreprise rivale, Computer Services. Dès 2002, les 180 000 habitants de Samoa étaient desservis par plus de 35 entreprises qui se faisaient une concurrence active dans différentes parties du secteur des TIC – et toutes sauf une étaient des entreprises locales.
Les TIC peuvent largement contribuer à la prospérité d’un pays, même des petits États insulaires du Pacifique. Mais cela exige leadership, volonté politique et patience. Il faut un gouvernement qui comprenne l’intérêt des TIC et de la facilité d’un accès ouvert à l’information. Il faut des leaders, au gouvernement et en dehors, qui voient les possibilités offertes. Et il faut se rendre compte que la compagnie de téléphone locale n’est pas un autre moyen d’imposition et de frein à la croissance, mais un moteur de la croissance. Il est plus que probable que dans un tel contexte, l’assiette fiscale du gouvernement augmentera à mesure que les entreprises et les particuliers prospéreront.
C’est ce que les leaders de Samoa avaient en tête il y a dix ans et ils ont agi délibérément, avec diligence et patience. La réussite de ce pays sert de point de repère pour les progrès à réaliser dans la région.
[1] L’île Pitcairn est dans la zone géographique, mais sa population est tellement petite qu’elle n’est pas incluse ici. L’île de Pâque fait officiellement partie du Chili. Les îles Chatham font également partie de cet espace, dans sa partie la plus australe, mais appartiennent en réalité à la Nouvelle-Zélande.
[4] Digicel a rapidement acheté Samoa Cellular Services, ce qui ne laisse que deux fournisseurs.
[5] En 2008, le gouvernement a vendu ses opérations télévisuelles.