République démocratique du congo (rdc)
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L’Afrique demeure un continent où l’accès internet est rare et cher, ce qui s’explique en partie par son retard au plan du développement scientifique, technologique et social. La République démocratique du Congo (RDC) ne fait pas exception. L’état déplorable de l’infrastructure des communications du pays est un facteur dissuasif indéniable au développement et à la lutte contre la pauvreté. Les connexions haut débit se font par satellite et coûtent très cher. Le tarif est parfois 1 000 fois supérieur à ceux de l’Europe!
La nécessité de créer une infrastructure dorsale nationale n’est pas propre à la RDC. De nombreux forums et institutions régionaux et internationaux, dont le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), reconnaissent que les réseaux de fibre optique permettront de réduire la fracture numérique entre les nantis et les autres. Tout un ensemble d’initiatives internationales, régionales et locales ont pour principal objectif l’inclusion des populations à la société de l’information par la connectivité.
En RDC, une dorsale nationale permettrait d’améliorer les communications dans un pays quatre fois plus grand que la France, dont plusieurs régions continuent d’être très isolées. Mais les initiatives nationales doivent être reliées à des initiatives régionales. Par exemple, le Pan African Research and Education Network (PAREN) a été créé pour faciliter la collaboration entre les universités et établir un réseau large bande à l’échelle de l’Afrique. Cela dit, PAREN ne pourra être complété que s’il existe un point central d’interconnexion reliant les différent réseaux de l’Afrique de l’Ouest, de l’Est, du Sud et du Nord. De par sa position centrale, la RDC peut se positionner pour devenir le centre de ces réseaux.
Ce rapport s’inspire en grande partie de l’étude de faisabilité réalisée en 2007 par Alternatives, en collaboration avec l’Association pour le progrès des communications (APC), XitTélécom et l’organisme sans but lucratif multisectoriel DMTIC (Dynamique multisectorielle pour les TIC). Alternatives est une organisation non gouvernementale de coopération internationale qui travaille en RDC depuis 1998.
Après 30 ans de dictature et deux courtes présidences, chacune interrompue par la guerre, les premières élections démocratiques de la RDC ont eu lieu en 2006 et Joseph Kabila a été élu président. La RDC continue de se reconstruire après les conflits. Kabila a bien défini cinq secteurs prioritaires – l’eau et l’électricité, la santé, l’éducation, les infrastructures et l’emploi – mais rien n’a vraiment changé dans ces secteurs depuis un an. Les réformes constitutionnelles proposées n’ont guère avancé pendant la même période et le gouvernement n’a pas pu mettre en oeuvre son programme pour 2007-2011. Les acteurs nationaux se disent préoccupés par le manque de transparence des pouvoirs publics, en particulier la façon dont ils attribuent les concessions minières et nomment les cadres des entreprises publiques. Certains progrès ont néanmoins été réalisés pour améliorer l’efficacité de l’État et ses capacités de coordination, notamment par la réduction de personnel, soit de 60 à 45 ministres et vice-ministres.
En 2006, la population de la RDC était estimée à 62 660 551 habitants, soit une densité moyenne de 27 habitants au kilomètre carré. Les foyers sont concentrés dans la région minière de Shaba et dans le bas Congo. Moins d’un tiers de la population habite dans les zones urbaines.
Compte tenu du déficit chronique de la RDC attribuable à la faiblesse de la productivité et des revenus, elle est très vulnérable aux événements extérieurs. Ces dernières années, les indicateurs macroéconomiques se sont stabilisés en raison des conditions imposées par les institutions financières internationales concernant la libéralisation des importations et des exportations. L’aide extérieure représente près de la moitié des revenus de l’État.
Malgré les crises politiques qui déchirent la RDC depuis son indépendance et malgré la faiblesse de son économie, le secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC) a pris de l’expansion, défiant toutes les prévisions pessimistes. Entre 1998 et 2006, le secteur privé a investi plus de 5 millions de dollars dans les technologies mobiles. Des milliers d’emplois ont été créés et les revenus du secteur ont contribué à placer le pays sur la voie de la croissance économique.
Comprenant environ 11 000 lignes à Kinshasa, le réseau fixe est administré par l’Office congolais des Postes et des Télécommunications(OCPT). Mais en réalité le réseau est pratiquement inexistant. Un opérateur privé, Congo Korea Telecom, a posé des câbles de fibre optique reliés à une connexion satellite, mais son réseau ne dessert qu’environ 3 000 abonnés dans le centre ville de Kinshasa.
Le secteur a pris de l’expansion grâce à l’infrastructure de quatre opérateurs de téléphonie mobile GSM, qui relie les principaux centres du pays. C’est ainsi que le nombre d’abonnés au mobile est passé de 20 000 en 1997 à environ 4,5 millions en 2007.
Le pays compte quinze fournisseurs de services internet (FSI) reconnus qui desservaient environ 140 625 personnes en 2005. Cette même année, on estimait à 24 000 le nombre des abonnés au réseau local sans fil et à 15 000 celui des abonnés large bande. Selon les statistiques de la Banque mondiale, en 2005, le coût moyen mensuel d’une connexion internet s’élevait à 93 dollars, soit 40 641 francs congolais (CDF). Il existe environ 200 cybercafés en RDC, concentrés à Kinshasa et d’autres grandes villes.
L’absence de large bande est le principal obstacle à l’expansion des TIC. Les opérateurs publics relevant de l’OCPT et le Réseau national des télécommunications par satellite (RENATELSAT) n’ont pas encore la capacité de construire une dorsale nationale, même si cela fait partie de leur mandat. Une étude de faisabilité d’Alternatives, commandée par l’OCPT, recommandait le déploiement d’un réseau de 5 467 km composé de 48 routes de fibre optique intégrées au réseau national d’électricité du Congo. Il était également recommandé de poser la fibre le long des routes nationales et des voies ferrées pour faciliter la gestion et l’entretien. Suite aux recommandations techniques de la recherche, le gouvernement s’est engagé, dans le cadre d’un contrat avec l’État chinois, de construire une ligne entre le câble SAT-3 à Muanda et Kinshasa.
Le 18 février 2006, le président a présenté une nouvelle Constitution pour la RDC, qui stipule que:
Chacun a le droit au respect de la vie privée et à la confidentialité de sa correspondance, des télécommunications et autres formes de communication… Ce droit est inaliénable, à l’exception des cas prévus par la Constitution.
En dépit de l’imprécision du texte, on peut en déduire que les législateurs avaient l’intention de créer une société civile forte et de protéger leurs concitoyens. La communication est également présentée comme un droit humain fondamental.
Plusieurs lois et décrets régissent le secteur des TIC. Ces lois établissent notamment une séparation des responsabilités entre le ministère des Postes et des Télécommunications, le régulateur et les opérateurs publics de l’OCPT et RENATELSAT. La gestion du développement des TIC est confiée au ministre, alors que l’OCPT est chargé du domaine .cd.
La construction d’une dorsale nationale ne nécessite pas de configuration institutionnelle différente car les deux entreprises d’État actuelles (OCPT et RENATELSAT) sont en mesure de s’en charger.
La création de l’Autorité de régulation de la Poste et des Télécommunications du Congo (ARPTC) a été certainement un des points saillants des récentes réformes des télécommunications. Toutefois, après quatre ans d’activité, les réalisations de l’ARPTC ne sont guère encourageantes. Les décisions prises par le nouveau régulateur sont trop peu nombreuses, ont peu d’incidences et les pistes qui ont été timidement explorées se sont révélées de peu d’intérêt. Un certain nombre de facteurs affaiblissent les actions du régulateur, en particulier le suivi pratiquement inexistant donné par le ministre aux recommandations techniques qui lui ont été présentées.
L’utilisation de la dorsale devrait faire l’objet d’une surveillance constante de la part du régulateur, en particulier la gestion des conflits qui surgiront certainement entre opérateurs au sujet de la transmission de leurs signaux. Mais le manque de collaboration entre le ministre et l’ARPTC pourrait empêcher le régulateur de faire correctement son travail.
La politique, telle qu’elle existe actuellement, se limite à une ébauche de plan de télécoms. Mais Alternatives et l’organisme à but non lucratif et multipartite DMTIC, entre autres, ont commencé à formuler la première politique nationale de TIC.
La position stratégique de la RDC au cœur de l’Afrique a des implications sur le développement de l’Afrique centrale et du continent en général. La responsabilité du pays à l’égard de l’Afrique exige d’établir des liaisons avec les réseaux de transmission internationaux comme SAT-3, le Système de festons de l’Afrique de l’Ouest (WAFS) et le Système de câbles sous-marins de l’Afrique de l’Ouest (EASSy).
La construction d’une dorsale internet en RDC aura sans aucun doute pour effet de créer des synergies économiques propices à lutter contre la pauvreté, promouvoir l’unité nationale et relancer l’économie nationale. Au niveau international, le projet fait partie intégrante du développement d’une société de l’information mondiale, la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) et les objectifs du NEPAD et du Marché commun de l'Afrique de l'Est et de l'Afrique australe (COMESA).
Il est important de garantir la viabilité du projet par les moyens suivants:
- Inclusivité: Le succès du projet dépendra de la participation de
- Efficacité:Des mesures doivent être prises pour que le projet atteigne ses objectifs, notamment en révisant le contexte légal et en faisant participer les institutions à la gestion quotidienne du projet
- Optimisation:Pour répondre efficacement à la demande potentielle de bande passante et permettre l’accès universel aux services de TIC
- Cadre fiable:Pour garantir la viabilité, il convient d’établir des précédents juridiques et des institutions et une économie fiables.
Le cadre légal et réglementaire est relativement bien adapté pour la construction de la dorsale. Il faudra mettre en place des mécanismes pour assurer la transparence du financement du projet et bien définir les bénéficiaires. Il serait préférable d’adopter une approche fondée sur l’accès ouvert. Pour ce faire, il est important que la dorsale ne soit pas monopolisée par une seule institution, qu’elle soit gérée dans le cadre d’un contrat et que la tarification soit transparente.
Alternatives, Étude de faisabilité pour une dorsale Internet ouverte en République démocratique du Congo. En collaboration avec le Centre de recherches pour le développement international (CRDI), l’Association pour le progrès des communications (APC), l’Office Congolais des Postes et Télécommunications (OCPT), XitTélécom et Dynamique multisectorielle sur les TIC (DMTIC), 2007.
Voir à: www.alternatives.ca/article2979