Pérou

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CONDESAN (Consortium for the Sustainable Development of the Andean Ecoregion)

 

Introduction

Le secteur des télécommunications péruvien est réglementé par deux institutions : le ministère des Transports et des Communications (MTC), essentiellement responsable de la formulation des politiques et de l’octroi des licences aux compagnies, et l’Agence de surveillance de l’investissement privé dans les télécommunications (OSIPTEL), principalement responsable de la réglementation et de la surveillance de la concurrence dans le secteur.

Le marché des services publics des télécommunications est caractérisé par la présence d’un nombre croissant d’opérateurs. Les segments les plus dynamiques et les plus compétitifs sont ceux qui exigent le moins d’investissements, comme les services qui n’ont pas à déployer de réseaux du dernier kilomètre. Les autres segments qui nécessitent de gros investissements dans l’infrastructure (lignes terrestres, services téléphoniques mobiles et publics) ne sont fournis que par un petit nombre d’opérateurs.

Malgré la forte croissance observée ces dernières années, les données récentes publiées par l’Institut national des statistiques et de l’information (INEI, 2008) montrent que plus de 40 % de Péruviens n’ont accès qu’à la radio et à la télévision dans leurs foyers.

Politiques d’expansion et de concurrence

Les changements apportés à la réglementation favorisent le développement de services convergents, réduisent les obstacles à l’entrée et facilitent ainsi l’arrivée de nouveaux opérateurs sur le marché (Razo et Rojas Mejía, 2007). En 1998, le Décret suprême 020-1998-MTC a ouvert le marché des télécommunications à la concurrence. En 2007, le décret a été modifié et un nouvel ensemble de lignes directrices ont été ajoutées pour : (i) renforcer la concurrence, (ii) réduire l’écart dans les infrastructures et (iii) étendre les services aux régions rurales. Les nouvelles lignes directrices établissent les objectifs suivants pour 2011:

  • Atteindre une télédensité de douze lignes terrestres et 60 lignes mobiles pour 100 habitants
  •  Étendre les services téléphoniques (lignes terrestres, lignes mobiles ou les deux) dans tous les districts au niveau national
  • Atteindre un million de connexions large bande internet
  • Promouvoir la convergence.

Les outils permettant d’atteindre ces objectifs sont notamment les politiques sur les tarifs, la transparence, la vente au détail (et la revente), encourageant l’enregistrement légal des entreprises, l’interconnexion, la gestion du spectre, la transférabilité des numéros et le service universel.

Services mobiles

Le résultat le plus évident des nouvelles politiques sur la concurrence se manifeste dans le secteur du mobile (Gallardo et autres, 2007). Le nombre total de téléphones mobiles a augmenté en 2007 de 8,7 millions à 15,4 millions, soit le taux de croissance le plus élevé des dix dernières années (76 %). Par conséquent, l’objectif de 60 lignes pour 100 habitants a été atteint au cours du premier trimestre 2008. En février 2008, le MTC a donc modifié les objectifs de pénétration du téléphone à 80 lignes mobiles et 15 lignes terrestres pour 100 habitants.

Les résultats de l’enquête nationale sur les ménages du premier trimestre 2008 (INEI, 2008) confirment que 51,5 % des ménages péruviens possèdent au moins un téléphone mobile, soit une augmentation de 15,6 % par rapport à l’année précédente. Dans les zones urbaines hors Lima, l’augmentation a été de près de 22 points, soit 66 % des foyers.

Dans les régions rurales, les téléphones mobiles sont présents dans 17 % des ménages, mais cela ne veut pas nécessairement dire que le service est assuré dans ces régions : les habitants utilisent surtout leur mobile lorsqu’ils se rendent dans les zones urbaines ou se trouvent à proximité.

Services téléphoniques terrestres

À la suite de l’attribution de la bande 450 mégahertz (MHz) à Telefónica Móviles, la compagnie a assumé la responsabilité de l’installation de 350 000 lignes terrestres sans fil au cours de l’année 2008, ce qui contribuera à atteindre partiellement l’objectif de pénétration de 15 %, mais ne suffira pas à l’atteindre totalement ; c’est pourquoi le secteur privé devra être mis à contribution.

Il semble que la croissance dans le domaine des téléphones publics en soit au point mort. Après des taux de croissance se situant entre 14 % et 19 % en 2001-2003, l’installation de téléphones publics a ralenti à 8 % ou moins. Ce ralentissement peut s’expliquer par les alternatives qui sont apparues dans les grandes villes ces dernières années, comme les centres d’appel publics et les services informels de location de mobiles. En 2008, OSIPTEL a ordonné une réduction des prix des appels provenant des téléphones publics, ce qui a été suivi d’initiatives de compagnies de téléphone visant à inverser la tendance à la baisse de leur utilisation.

Mais même s’il représente la meilleure solution de communication pour ceux qui ne sont pas abonnés à une ligne terrestre ou des services téléphoniques mobiles (Barrantes, 2007), le système de téléphonie publique ne fait pas partie des objectifs des lignes directrices de la politique.

Politique d’accès universel

Au Pérou, l’accès universel est garanti par le Fonds d’investissement dans les télécommunications (FITEL). Entre 1998 et 2001, FITEL a lancé quatre appels d’offres pour quatre projets. Le processus de soumission inversée visait à accorder des subventions ciblées aux opérateurs. Les subventions correspondaient à une partie de l’investissement en capital et au coût d’étapes spécifiques de la mise en œuvre et de l’exploitation.

Après 2001, FITEL a été confronté à plusieurs problèmes. Premièrement, les opérateurs en milieu rural se sont retrouvés en concurrence avec les opérateurs urbains qui étendaient leurs services (téléphones publics et téléphonie mobile), ce qui a gravement compromis leur viabilité économique. Partagé entre la viabilité des projets et l’expansion de son réseau, FITEL a dû se poser la question suivante : les investissements consentis dans ces projets devraient-ils être protégés ou devrait-on laisser le marché suivre sa route?

Deuxièmement, FITEL a été confronté au dilemme des incitatifs à l’investissement par rapport à l’attribution de fonds. Devrait-il faire preuve de prudence en choisissant ses secteurs d’intervention afin de ne pas nuire aux plans d’expansion des opérateurs commerciaux? Dans ce cas, les sommes non dépensées du fonds augmenteraient tandis que de nombreuses régions rurales continueraient de ne pas être desservies. Comment justifier l’inefficacité apparente des dépenses et la croissance du fonds?

Troisièmement, il s’est posé la question des types de services que l’on devrait considérer comme des services universels. L’accès internet devrait-il être compris dans ses plans? Les services mobiles devraient-ils l’être?

Le dernier obstacle a été celui du choix entre le petit opérateur local et le gros opérateur national. Lequel devrait être le modèle ? Les petits opérateurs indépendants devraient-ils être encouragés ou serait-il préférable d’inciter les gros opérateurs à étendre leurs réseaux des villes aux régions rurales?

Malheureusement, l’administration n’a pas été en mesure de résoudre ces questions. Pour tenter de le faire, elle a créé des mécanismes qui visent à définir la voie à suivre, comme les lignes directrices encourageant l’accès aux services de télécommunication dans les régions rurales (Décret suprême 049-2003-MTC). Cette mesure a clairement montré une préférence pour le modèle des petites compagnies se consacrant aux télécommunications rurales et une volonté de prise en compte de l’accès internet et autres éléments du développement humain dans les objectifs de FITEL.

Mais peu après, alors que l’on tentait d’accélérer la mise en œuvre et de mobiliser les fonds (au moyen du 040-2004-MTC), il a été établi que les opérateurs de télécommunication pouvaient présenter des projets qui utiliseraient leurs propres contributions au fonds et que ces projets n’auraient pas à être approuvés par le ministère. Cela a été un rude coup pour la politique d’accès universel (Saravia, 2005).

En cinq ans (2001-2006), FITEL n’a pu évaluer et accorder des fonds qu’à un seul projet pilote – un opérateur de télécommunications dans les Andes. Finalement, la gestion du fonds a été transférée au MTC par la Loi 28900 en novembre 2006.

La nouvelle administration de FITEL a financé trois grands projets consistant à fournir l’accès internet et des multiservices par des réseaux large bande. Ces projets avaient été hérité des administrateurs précédents du fonds et réévalués et promus par les nouveaux.

En juin 2008, le MTC a proposé un nouveau cadre réglementaire des télécommunications dans les régions rurales (Résolution ministérielle 242-2008-MTC/03) destiné à renforcer l’inclusion de la large bande et le développement des capacités selon les objectifs définis de l’accès universel. Certaines définitions y sont données concernant les secteurs d’intervention, les opérateurs ruraux et le pouvoir du MTC de promouvoir les investissements. Au moment de la rédaction du présent rapport, la proposition du cadre réglementaire n’avait pas encore été approuvée.

Usage des TIC
Accès mobile

Seulement 60 % des utilisateurs de mobiles sont abonnés à un service mobile (Barrantes, 2007). Les 40 % restants – surtout des femmes et des jeunes à faible revenu – ont tendance à emprunter les téléphones ou à en louer aux chalequeros (des commerçants informels). Les téléphones mobiles offrent la possibilité de rester en contact avec la famille et les amis, de trouver un emploi et de gagner du temps.

Les statistiques montrent que les utilisateurs font attention au coût. Il ont tendance à utiliser les téléphones mobiles pendant les heures creuses et les personnes à très faible revenu se servent fréquemment de la fonction « clignotant » – qui permet d’informer quelqu’un que l’on veut être appelé en utilisant l’identification de l’appelant, sans se connecter réellement.

Le trafic entrant représente plus de 70 % du trafic total des téléphones prépayés. Mais l’origine de ce trafic évolue : en 2004, les appels vers les réseaux mobiles provenaient généralement de lignes terrestres (41 %) et de téléphones publics (30 %), mais à la fin de 2007, les réseaux mobiles étaient à l’origine de 44 % du trafic entrant.

Concernant les appels sortants, le trafic réseau représente 81 %, suivi, à 12 %, par les téléphones traditionnels et seulement 7 % pour les autres réseaux mobiles. Cette préférence est de plus en plus marquée avec un taux d’augmentation d’environ 6 points par an depuis 2004, date à laquelle la proportion des appels sortant sur le réseau représentait 63 %. Cette tendance s’explique sans doute pas la baisse des prix et les promotions.

Finalement, il y a lieu de souligner que le trafic sortant des téléphones post-payés a toujours été plus important que celui des téléphones prépayés alors même que les téléphones post-payés ne représentent que 10 % du nombre total des téléphones en service. Cette situation a évolué depuis 2007 à la suite de campagnes et de promotions agressives ciblant les clients des téléphones prépayés. En 2007, le trafic sortant prépayé a atteint 48 % du total, une tendance à la hausse qui s’est poursuivie au premier trimestre de 2008.

Accès internet

Bon nombre de Péruviens ont accès à l’internet dans les télécentres ou les cybercafés. Le dernier rapport publié par l’INEI (2008) au sujet de la pénétration des TIC indique que seulement 6,9 % des ménages péruviens ont accès à l’internet. Pourtant, 30 % des plus de six ans prétendent utiliser l’internet et 75 % d’entre eux y accèdent principalement dans les cybercafés.

L’utilisation des cybercafés à Lima diminue et est remplacée par d’autres options, notamment à la maison et dans les institutions (Apoyo, 2007). En revanche, dans les régions rurales, l’utilisation des cybercafés est en hausse (INEI, 2008). Le profil de l’internaute au Pérou rend compte des conditions actuelles d’exclusion  sociale : seulement 23 % des femmes utilisent l’internet contre 31 % des hommes.

Selon un récent rapport indépendant (Apoyo, 2007), 58 % des habitants de Lima se considèrent comme des internautes fréquents, 92% de la population de la classe socioéconomique supérieure dit utiliser l’internet par rapport à 38 % dans la classe socioéconomique la plus défavorisée. On retrouve des déséquilibres entre les sexes en ville où seulement 52 % des femmes disent l’utiliser contre 64 % des hommes. Le profil de l’internaute de Lima est un homme entre douze et 35 ans ayant un statut socioéconomique moyen. L’internet sert avant tout aux communications (78,5%) et à trouver de l’information (74,7%) (INEI, 2008).

Il existe peu de données sur l’utilisation de l’internet dans les zones rurales. L’internet sert essentiellement à la communication avec les amis et la famille, surtout dans les discussions en ligne. Le courrier électronique est très peu utilisé ; en fait, seulement 2,7 % des personnes interrogées l’ont considéré comme un moyen de remplacer le téléphone et préfèrent d’autres services comme la poste traditionnelle. Les autres utilisations de l’internet, comme l’obtention d’informations liées au travail, à des activités productives ou des services en général, ne constituent que 10 % des raisons d’utiliser l’internet (Bossio, 2005).

Mesures à prendre

Même si l’économie péruvienne est en expansion, les inégalités dans la répartition de la richesse et les conditions d’inégalité et d’exclusion demeurent frappantes.

Concernant l’accès aux services de télécommunication, l’intervention de FITEL et l’expansion des mobiles réseaux ont permis à la majorité de la population de disposer de services de télécommunication. Mais il est important de voir que l’accès à ces services et technologies n’est pas le seul facteur important. On doit accorder plus d’attention aux inégalités et exclusions fondées sur la culture, la langue, l’éducation, l’âge et le sexe, ainsi que les handicaps physiques et mentaux. Le fossé numérique faisant partie de l’expression d’un fossé social plus général, on ne peut pas l’aborder uniquement dans la perspective de la technologie. Le Pérou semble avancer à cet égard, même si les progrès sont de nature plus théorique que pratique.

D’un autre côté, la mondialisation des opérations des compagnies de télécommunication et la recherche d’économies d’échelle par les opérateurs et les fabricants poussent les pays en développement à adopter les nouvelles technologies dans les zones urbaines même lorsqu’il n’existe pas de service pour les « anciennes technologies » dans les régions mal desservies. Cette situation présente autant un risque qu’une possibilité : le risque d’élargir l’écart entre ceux qui ont accès à ces services et les autres et la possibilité de voir les populations exclues sauter des étapes du développement. Pour ce faire, il faudrait une coordination plus solide visant à ce que la politique publique encourage la concurrence, l’expansion des services et une lutte concertée contre la pauvreté.

De la même façon, la politique d’accès universel doit tenir compte non seulement de la coordination des secteurs pour le déploiement des infrastructures (routes, énergie, eau et assainissement), mais également des secteurs qui travaillent pour le développement des capacités humaines et la création de contenus adaptés (éducation, santé, industrie, commerce, etc.).

Références

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Bonifaz, L. et Bossio, J., Perú. In Stern, P. et Townsend, D. (éd.), Nuevos modéleos para el Acceso Universal de los servicios de Telecomunicaciones en America Latina: informe de países, Washington, Banque mondiale, 2006.

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Saravia, M., Acceso universal en el Perú : Futuro de FITEL en riesgo. Lima : ITDG, 2005. 
Voir à: www.itdg.org.pe/publicaciones-ver.php?codigo=198&idcate=13

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