Ouganda

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Organization

Women of Uganda Network (WOUGNET) and Collaboration on International ICT Policy for East and Southern Africa (CIPESA)

 

Introduction

L’Ouganda est un pays enclavé d’Afrique orientale qui dépend exclusivement des satellites pour sa connectivité internationale. Avec un revenu par habitant d’à peine 280 dollars et des services de télécommunication lourdement imposés, on n’y compte que quelque six millions d’abonnés au téléphone mobile et 165 788 lignes téléphoniques fixes. Dans le souci d’offrir l’accès universel, le régulateur, la Uganda Communications Commission (UCC), par le biais de son Rural Communications Development Fund (RCDF), a procédé notamment à l’installation de téléphones publics, de cafés internet, de points de présence sur internet, de centres de formation aux technologies de l’information et des communications (TIC), ainsi que des sites web pour les districts. Cela dit, de nombreuses régions du pays demeurent sans service, même si la télédensité du pays a augmenté à 20 %, alors qu’elle était d’à peine 12 % en 2006.

Le secteur des télécommunications ougandais a été libéralisé à la suite de la promulgation de la Loi sur les communications de 1997 et des licences ont été attribuées à deux fournisseurs nationaux (MTN Uganda et Uganda Telecom), ainsi qu’à un opérateur de téléphonie mobile (Celtel Uganda). Les opérateurs nationaux disposaient d’une période d’exclusivité qui s’est achevée en 2005, et trois nouveaux opérateurs ont obtenu des licences depuis, dont Warid Telecom, qui a commencé à offrir des services début 2008. HITS Telecom devait se lancer au cours du deuxième semestre de 2008.

La libéralisation du secteur a créé un environnement très concurrentiel et a fait baisser les prix à des niveaux sans précédent. Les opérateurs font valoir que si le gouvernement réduisait les taxes sur les services de téléphonie mobile, actuellement à
30 % – soit 18 % de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et 12 % de droit d’accise – ils seraient en mesure de rendre leur service abordable à un plus grand nombre d’Ougandais et d’étendre leurs réseaux dans des régions encore non desservies. Certains observateurs estiment également que les services téléphoniques seraient plus abordables si le régulateur exerçait un véritable contrôle sur les droits d’interconnexion.

Le faible niveau d’accès à l’internet s’explique par les tarifs élevés dus au coût que représente une connectivité qui se fait par bande passante satellite. À peine 1,5 % des Ougandais ont accès à l’internet. Et si 35 % des universités y ont accès, seulement 40 % de cet accès se fait par une connectivité à large bande. En définitive, l’accès aux TIC, et leur coût, représentent un défi de taille pour l’Ouganda s’il veut faire entrer une plus grande partie de sa population dans l’ère de l’information.

Défis au niveau de l’accès et des coûts

L’Ouganda fait partie des pays de l’Afrique orientale et du Sud qui ne sont pas connectés à la fibre internationale – principalement en raison du fait que le littoral oriental de l’Afrique n’est pas encore relié à un câble de fibre optique sous-marin. Selon les chiffres de l’Uganda Internet Service Providers Association (UISPA), les coûts de satellite fluctuent en ce moment entre 4 000 et 5 000 dollars par mégabit par seconde (Mbps) d’accès fourni. Comparativement, les pays qui utilisent la fibre paient moins de 100 dollars par Mbps d’accès. La technologie des satellites ne se contente pas d’obliger les utilisateurs ougandais à payer davantage, elle limite également le type d’applications qui peuvent être utilisées sur l’internet.

Des coûts internet élevés

Les chiffres présentés par l’UCC montrent que malgré la multiplication du nombre de fournisseurs de services internet (FSI) –  une bonne vingtaine sont actuellement titulaires d’une licence – le nombre d’abonnés n’a pas augmenté au même rythme. Le nombre d’abonnés à l’internet de ligne fixe est inférieur à 20 000, alors que l’on compte presque deux millions d’utilisateurs. La lenteur de la croissance est attribuée à une série de facteurs : des frais élevés de démarrage et d’utilisation (p. ex., 99 dollars pour une liaison commutée de 64 kilobits par seconde (Kbps) pour 20 heures par mois), le coût élevé des ordinateurs, une infrastructure limitée –  y compris pour la fibre –, une utilisation modeste d’internet par le gouvernement, les écoles, les établissements de santé et les institutions agricoles, un manque de connaissances informatiques, un manque de contenu local sur internet, le faible niveau des revenus et une pénurie d’électricité dans certaines régions du pays[1].

Seule une proportion négligeable d’internautes ougandais a accès à la large bande. En effet, le réseau commuté est de loin le moyen le plus répandu pour les abonnés résidentiels et les petites et moyennes entreprises (PME), surtout en raison de son coût abordable, alors que les lignes louées dédiées et les lignes d’abonné numériques (LAN) de grande capacité sont surtout réservées aux organisations non gouvernementales et au secteur privé. L’accès aux microstations terrestres (VSAT) ou par satellite demeure le moyen d’accès le plus viable dans les régions isolées. La connectivité internet sans fil prend de l’ampleur comme solution de rechange et des réseaux Wimax sont en train d’être installés progressivement, en plus des plateformes de service général de paquets radio (GPRS) et d’accès multiple par répartition de code (AMRC).

Selon l’UISPA, les FSI cherchent à multiplier le nombre d’abonnés en baissant les prix (I-Network, 2006). Depuis 2006, de nombreux FSI ont commencé à acheter de la bande passante en gros, ce qui s’est traduit par une diminution du prix à l’arrivée en Ouganda. Ils ont donc été en mesure de vendre leur service à des prix considérablement inférieurs.

Malgré les coûts élevés de la connectivité, le régulateur affirme qu’il y a eu une augmentation des services de messagerie multimédias (MMS) et de messages courts (SMS) sur le marché puisqu’une dizaine de fournisseurs de services de contenu et à valeur ajoutée sont entrés sur le marché depuis décembre 2007. Le déploiement progressif des services mobiles de troisième génération a débuté en 2007 et on s’attend à ce que le nombre d’abonnés augmente régulièrement en 2008. Vers la fin de 2007, on a également assisté à une forte hausse de la capacité de la bande passante. La bande passante internationale est passée à 344 Mbps (257,5 Mbps pour la liaison descendante et 86,9 Mbps pour la liaison montante). Le déploiement des points d’accès sans fil (Wifi ou Wimax) s’est également intensifié. On estime qu’il existe une trentaine de points d’accès dans le pays, dont 95 dans la région métropolitaine de Kampala (UCC, 2007).

La fibre

On espère que d’ici la fin 2009, le pays aura posé son réseau national de fibre et qu’il sera relié à la fibre internationale. L’Ouganda est signataire du protocole du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) sur le développement de la fibre à accès ouvert dans l’Afrique orientale et du Sud. Le pays est également un membre à part entière du consortium qui est en train d’établir le système de câble sous-marin de l’Afrique de l’Est (EASSy), un des câbles sous-marins qui devrait entrer en service en 2009.

Uganda Telecom et MTN Uganda ont été parmi les premiers promoteurs d’EASSy et c’est par leur entremise que l’Ouganda participe activement à l’East African Backhaul System (EABS), qui cherche à créer un réseau de fibre allant de Mombasa sur la côte du Kenya, jusqu’à la capitale, Nairobi, et ensuite jusqu’à la ville frontalière de Malaba en Ouganda. De là, la ligne ira jusqu’à Kampala, puis au Rwanda, au Burundi et à Dar-es-Salaam sur la côte de la Tanzanie. Dans le cadre de l’EABS, et moyennant une entente de coopération entre les sociétés ougandaises et régionales pour la construction de la ligne de fibre, MTN et Uganda Telecom partagent la fibre sur des portions du système entre les frontières du Kenya et du Rwanda.

Le ministre ougandais des TIC, Ham Mulira, a affirmé que l’Ouganda verrait d’un œil favorable tout câble sous-marin commençant à fonctionner. Le gouvernement estime qu’il serait avantageux d’avoir accès à plusieurs réseaux de câbles pour renforcer la concurrence, faire baisser les prix et améliorer la qualité des services. L’Ouganda a terminé la première phase de sa dorsale nationale de transmission de données qui a permis de relier une bonne partie du centre économique et administratif du pays. La deuxième phase devrait être encore plus importante puisqu’il faudra suivre les voies principales et apporter le câble à la plupart des grandes villes du pays. Le ministre des TIC affirme que le gouvernement fera le nécessaire pour que l’Ouganda soit entièrement connecté aux câbles sous-marins internationaux, ce qui réduira le coût d’utilisation d’internet et fera de la position enclavée de l’Ouganda non plus un désavantage mais un avantage concurrentiel (gouvernement de l’Ouganda, 2008).

Fonds d’accès universel

L’Ouganda a été l’un des premiers pays du continent africain à formuler une politique sur l’accès universel aux communications, y compris aux TIC et à la téléphonie. Le RCDF est au nombre des outils qui ont permis au gouvernement de motiver et de mobiliser l’investissement du secteur privé dans les régions rurales en offrant des subventions en guise d’incitatifs. Le fonds est établi par la perception de 1 % des recettes des opérateurs. En accordant des subventions, le RCDF a contribué à établir des points de présence internet dans 20 districts de l’Ouganda, 54 portails d’information de district, des cafés internet dans 55 districts, des centres de formation aux TIC dans 30 districts, 316 téléphones publics payants, deux institutions de connectivité internet et cinq télécentres.

Mais selon les gestionnaires du RCDF, même si 80 % de ces initiatives sont mises en œuvre dans les régions rurales, la télédensité augmente surtout dans les régions urbaines de l’Ouganda. Par ailleurs, et bien que le soutien du RCDF ait permis l’expansion des installations et des services TIC dans des régions et communautés moins favorisées, les femmes en ont bénéficié moins que les hommes. La politique de développement des communications rurales (UCC, 2001) ne tient pas spécialement compte des enjeux sexospécifiques. Si bien que les projets financés ne cherchent pas nécessairement à régler les inégalités de genre.

Insuffisance des infrastructures de base

Le manque d’accès à l’électricité et son prix élevé pour ceux qui y ont accès sont des problèmes à régler en priorité si l’on veut améliorer réellement la connectivité. Seulement 6 % environ des Ougandais sont reliés à un réseau de distribution électrique national et les régions rurales en sont en grande partie dépourvues. Le secteur des télécommunications de l’Ouganda se caractérise également par des coûts d’exploitation élevés : les infrastructures de soutien sont insuffisantes, notamment le réseau routier souvent en mauvais état et qui ne couvre qu’une petite partie du pays. Dans certaines régions, le terrain accidenté et des problèmes de sécurité font également monter les coûts d’exploitation. À cela s’ajoute le manque d’une culture de partage des infrastructures, ce qui fait grimper les coûts à des niveaux réellement exorbitants. Il arrive fréquemment que trois opérateurs érigent leurs poteaux dans la même localité ou qu’ils construisent des réseaux de fibre optique parallèles sur des centaines de kilomètres.

Forte taxation

Le secteur téléphonique ougandais est fortement taxé. Comme nous l’avons vu, un droit d’accise de 12 % sur les services de téléphonie mobile et une TVA de 18 % sont imposés. En juin 2006, des droits de 5 % ont été imposés sur les services téléphoniques de ligne terrestre. L’Association GSM (GSMA) affirme que les pays africains comme l’Ouganda devront abaisser les taxes perçues auprès des opérateurs de cellulaires et diminuer la bureaucratie s’ils veulent favoriser une pénétration rapide et aider leur économie à progresser. Selon une étude réalisée par l’Association, les 10 marchés qui perçoivent les taxes les plus élevées sur la téléphonie mobile au monde sont la Turquie, l’Ouganda, le Brésil, la Syrie, la Zambie, la Tanzanie, l’Argentine, l’Équateur, le Kenya et l’Ukraine. Des taxes fixes payées au moment de l’abonnement et les taxes perçues après l’abonnement par les utilisateurs de mobile, en plus des taxes de vente traditionnelles, les diverses taxes perçues sur l’utilisation des mobiles comme la TVA et les taxes sur l’importation et la vente d’appareils mobiles sont élevées dans de nombreux marchés africains. Dans les pays à forte taxation – représentant de 25 à 30 % des coûts au Kenya, en Ouganda, en Tanzanie et en Zambie – l’expansion des services de téléphonie mobile a été beaucoup plus lente que dans les pays imposant moins de taxes, comme le Nigeria, le Soudan, l’Égypte et l’Afrique du Sud (GSMA, 2006).

L’Ouganda a introduit une taxe d’accise sur les téléphones mobiles en 2001. Le budget national pour l’exercice financier 2008-2009 ne prévoit pas de changement à la taxe d’accise. On a néanmoins exonéré des droits d’importation les batteries à cycle profond non scellées utilisées pour l’équipement solaire, les imprimantes d’ordinateurs et le matériel de télécommunication.

Mesures à prendre

Un certain nombre de mesures pourraient être adoptées pour promouvoir l’accès aux TIC et le rendre plus équitable:

  1. Le gouvernement doit réduire les taxes sur les services de téléphonie mobile et les rendre plus abordables.
  2. Le gouvernement et le secteur privé doivent redoubler d’efforts et travailler plus rapidement pour construire le réseau de fibre à l’échelle nationale et régionale.
  3. Le gouvernement doit multiplier ses interventions concernant les infrastructures et les services dans les régions rurales et mal desservies, y compris dans le cadre du RCDF.
  4. Le gouvernement (de concert avec le secteur privé, la société civile, les universités et les établissements de recherche) doit chercher à créer une demande pour les TIC en développant des contenus et des applications appropriées et abordables.
  5. Il faut faire davantage pour améliorer l’alimentation électrique et réduire les tarifs.
  6. Les objectifs, stratégies et cibles d’accès universel doivent intégrer les questions d’égalité de genre et l’accès des personnes handicapées.
Références

 

Fibre for Africa: www.fibreforafrica.net

Gouvernement de l’Ouganda, Discours sur le budget national, année financière 2008-2009, 12 juin (Annonce du budget 2008-2009 – 12 juin), 2008.

GSMA (Association GSM), Global Mobile Tax Review 2006-2007, 2006. 
Voir à: www.gsmworld.com/documents/tax/tax_report.pdf

I-Network, An Easy Guide to Internet Connectivity in Uganda, 2006. Voir à: www.i-network.or.ug/fixed-content/frontpage/introduction.html

UCC (Uganda Communications Commission), Rural Communications Development Policy, Kampa, la, UCC, 2001.

UCC, Status of the Communications Market December 2007, 2007. 
Voir à: www.ucc.co.ug/MarketReviewDecember2007.pdf

UWCI (Uganda Women’s Caucus on ICT), Assessment of the Rural Communications Development Fund (RCDF) from a Gender Perspective, Kampala, WOUGNET, 2007.

Women of Uganda Network (WOUGNET): www.wougnet.org 

 


Notes de bas de page

 

[1] Uganda Communications Commission (UCC): www.ucc.co.ug