Costa Rica

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Cooperativa Sulá Batsú

 

Introduction

Selon la constitution du Costa Rica, l’éducation, la santé, l’électricité, l’eau et les télécommunications sont tous des services publics universels. Cette politique, soutenue par un « État solidaire »[1], a permis une distribution de l’électricité à 91 % et une couverture téléphonique terrestre à 65 %, soit un des taux les plus élevés du monde.

Jusqu’à présent, les services de télécommunication étaient assurés par un monopole d’État, l’Institut d’électricité costaricain (ICE) et sa filiale Radiográfica Costarricense (RACSA), le fournisseur de service internet (FSI) administré par l’État. Au cours des années, le Costa Rica a pris plusieurs mesures innovantes – certaines plus réussies que d’autres – visant à garantir l’accès universel aux technologies de l’information et de la communication (TIC) pour toute la population.

  • Il y a vingt ans, le Programme informatique pour l’éducation a établi des laboratoires informatiques dans les écoles élémentaires et secondaires afin d’intégrer l’informatique dans le programme scolaire. Mais bon nombre de ces laboratoires ne sont pas connectés à l’internet, ce qui limite le potentiel innovateur du programme. Il a déjà été dépassé par d’autres pays latino-américains, où des initiatives commencées plus tard ont permis d’assurer la connectivité.
  • Depuis 2002, l’initiative costarricense.cr a permis à chaque Costaricain d’avoir un compte de courrier électronique gratuit et un site personnel relié à son numéro de carte d’identité.
  • Le programme Communication sans frontières établit des points d’accès publics dans les bureaux de poste, les banques et les bureaux des autorités municipales dans tout le pays.

Ces initiatives de l’État ont eu des effets positifs sur la position du pays en Amérique latine en ce qui concerne les TIC. Plusieurs indicateurs du rapport sur les technologies de l’information dans le monde 2006-2007 produit par le Forum économique mondial (FEM) en font l’illustration (voir tableau 1).

Position générale du pays

L’investissement dans l’éducation en tant que droit universel a eu une incidence sur la population et se manifeste dans le niveau du système éducatif, la présence de centres de recherche de qualité et le nombre de chercheurs et d’ingénieurs. La qualité de l’éducation a largement influencé les utilisations stratégiques des TIC. Celle-ci est donc considérée comme un facteur déterminant dans le rapport du FEM.

 

Tableau 1 : Situation de l’accès aux TIC au Costa Rica

Indicateur

 

Classement dans l’échantillon ALC*

Classement dans l’échantillon mondial (122 pays)

Environnement de l’infrastructure

Lignes téléphoniques

32, 09 pour 100 habitants

1

38

Serveurs internet sécurisés

61,7 pour 1 million habitants

1

30

Présence de scientifiques et d’ingénieurs

4,95 (de 1 à 7)

2

37

Qualité des institutions de recherche scientifiques

4,24 (de 1 à 7)

2

38

État de préparation individuelle

Qualité du système éducatif

4,12 (de 1 à 7)

1

40

Qualité des écoles publiques

3,73 (de 1 à 7)

1

50

Accès internet dans les écoles

3,08 (de 1 à 7)

9

81

Coût d’un appel de téléphone mobile (en dollars)

0,05 pour 3 minutes

2

27

Coût du haut débit (en dollars)

2,06 par 100 kilobits par seconde (Kbps)

5

55

Usage individuel (fondé sur les données de 2004)

Internautes

25,42 pour 100 habitants

1

45

Ordinateurs personnels

21,83 pour 100 habitants

1

33

Abonnés à l’internet haut débit

0,66 pour 100 habitants

10

60

Abonnés au téléphone mobile

25,45 pour 100 habitants

17

87

Source : Forum économique mondial, Rapport sur la technologie de l’information dans le monde 2006-2007

 

* L’échantillon de l’Amérique latine et des Caraïbes comprend le Chili, l’Uruguay, le Mexique, le Brésil, l’Argentine, le Pérou, le Venezuela, le Paraguay, l’Équateur, la République dominicaine, la Jamaïque, la Barbade, le Salvador, Panama, la Colombie, le Nicaragua, la Bolivie, le Guatemala, le Honduras et le Suriname.

Le Costa Rica est très bien placé en ce qui concerne les internautes et les ordinateurs pour 100 habitants, contrairement à la bande passante. Mais selon la mesure de la bande passante de Cisco réalisée par le Comité consultatif de la haute technologie costaricain (CAATEC)[2]entre décembre 2006 et décembre 2007, la pénétration de la large bande a augmenté de 50 %. Cette croissance est surtout le fait des foyers costaricains, suivis par les entreprises. Peu de croissance a été constatée dans les centres éducatifs et le secteur public. La croissance la plus forte est également le fait des régions métropolitaines par rapport aux régions rurales.

Les indicateurs pour la téléphonie et les serveurs internet nous placent à la première place dans la région. Le chiffre des abonnés au mobile date de 2004 et depuis lors, le pourcentage a plus que doublé, avec des réseaux mobiles atteignant 57 % de la population.

Ces données montrent que le modèle d’accès universel était en bonne voie lorsque les analyses ont été faites. Mais 2007 a marqué un changement radical dans l’accès aux TIC pour la population costaricaine en raison de l’adoption de l’Accord de libre-échange de l’Amérique centrale (ALEAC) entre les États-Unis et un certain nombre de pays de l’Amérique centrale, y compris le Costa Rica. Cet accord modifie sensiblement le modèle de développement du Costa Rica, en particulier les lois sur la connectivité qui sont comprises dans l’ALEAC : la Loi générale sur les télécommunications et la Loi visant à renforcer et moderniser les entités publiques du secteur des télécommunications.

Principales transformations dans le secteur de la réglementation des télécommunications

Il est encore trop tôt pour établir avec précision l’effet qu’aura l’ALEAC, mais l’accès aux TIC en sera fortement et très certainement affecté, de même que l’information, la communication et les connaissances de différents groupes sociaux.

L’ALEAC ouvre le marché dans trois grands domaines rentables que l’ICE contrôlait dans le modèle monopolistique d’État : la téléphonie mobile, l’internet et les réseaux. Les télécommunications ne sont plus un service public soutenu par l’État, mais un service offert au public et de nature commerciale. En tant que service public, il était interfinancé : les gros consommateurs payaient des prix supérieurs au marché pour subventionner ceux qui avaient moins de ressources. Avec l’ALEAC, les prix seront ceux du marché et seulement ceux qui auront les moyens de payer pourront accéder aux services.

Les fonctions de l’Autorité de réglementation des services publics (ARESEP), qui était chargée de réglementer les services publics et de garantir l’accès universel ainsi que celles de l’ICE, qui était responsable de mettre en œuvre les projets techniques pour assumer le mandat de l’ARESEP, ont sensiblement changé. L’ARESEP va maintenant réglementer la concurrence sur le marché des télécommunications et l’ICE ne sera plus qu’un autre fournisseur de services. Selon les projections des spécialistes, dans cinq ans, l’ICE aura perdu 66 % de sa part de marché.

Le principe de l’accès universel aux services énergétiques et des télécommunications n’est pas compatible avec la concurrence. Les fournisseurs privés n’exerceront pas leurs activités au prix coûtant, sans parler de subventionner des populations qui n’ont pas les moyens d’accéder à des services privés, car ils sont uniquement motivés par le profit.

Le pouvoir d’achat de la population est inégal et les solutions proposées pour résoudre ce problème sont des politiques et des programmes correctifs qui accordent des conditions spéciales aux secteurs de la population les plus défavorisés, notamment un fonds qui finance les secteurs pauvres appelé le Fonds national des télécommunications (FONATEL). Mais ce mécanisme a déjà été tenté sans succès dans d’autres pays d’Amérique latine et a eu peu d’effet sur l’accès des groupes les plus marginalisés aux TIC.

D’autre part, suivant les règles du fournisseur dominant, on a établi que l’infrastructure actuelle de l’ICE, construite par des années d’investissement public, sera utilisée au prix coûtant par les entreprises qui viendront faire concurrence sur le marché des télécommunications (article 61 de la Loi générale sur les télécommunications). Le Costa Rica a une excellente infrastructure de télécommunications et d’électricité développée par l’État – c’est-à-dire grâce à la contribution de tous les Costaricains.

Même si le marché costaricain est considéré comme petit – puisqu’il s’agit d’un petit pays ayant un peu plus de 4 millions d’habitants, c’est en fait un marché très dynamique précisément en raison de l’important investissement consenti dans l’infrastructure. D’autres entreprises privées travaillant déjà en Amérique centrale ont exprimé leur intérêt à participer au marché national : Telefónica, d’Espagne, América Móvil du Mexique et Millicom de Suède.

Il est essentiel que les personnes et les organisations qui s’intéressent aux aspects sociaux des TIC surveillent et suivent les profonds changements que l’ALEAC et son chapitre sur les télécommunications produiront dans le domaine de l’accès aux TIC et dans la population costaricaine.

Accès aux TIC dans les foyers costaricains

Le tableau 2 montre la couverture des différentes TIC, numériques et non numériques, d’après une enquête sur les ménages de 2006 comportant une composante TIC (INEC, 2006).

 

Tableau 2 : Accès aux TIC dans les foyers

TIC non numérique

Couverture de la population totale

Urbain

Rural

TIC numérique

Couverture de la population totale

Urbain

Rural

Électricité

99.1%

99.9%

98%

Mobile

56.4%

65.1%

43.1%

Radio

84.9%

87.7%

80.8%

PC

28.2%

36.8%

15.2%

Télévision

93.7%

96.1%

90.1%

Internet access

9.8%

13.9%

5.2%

Téléphonie fixe

64.4%

74.4%

51.8%

 

 

 

 

 

L’accès à l’électricité, la radio et la télévision est très répandu au Costa Rica. Même dans une analyse par région géographique, l’accès aux trois services est le même partout, ce qui est peu fréquent dans les pays pauvres. Cela s’explique par le modèle de solidarité mentionné plus haut.

Mais il existe d’importantes différences dans la couverture rurale et urbaine des technologies numériques mesurées par la présence des ordinateurs et de l’internet. Néanmoins, on tend vers une augmentation de l’accès à ces outils. Depuis 2004, la firme d’experts-conseils CID Gallup[3] a mené des études pour le RACSA concernant l’accès à la technologie dans les foyers costaricains. Pour 2008, l’étude montre que 39 % des foyers avaient un ordinateur, c’est-à-dire qu’en deux ans, le nombre d’ordinateurs a augmenté de 11 points. En ce qui concerne la connectivité, seulement 44 % des ordinateurs personnels sont connectés, soit 20 % des foyers et une croissance de 10 points entre 2006 et 2008.

Selon une étude du Programme sur la société de l’information et du savoir de l’Université du Costa Rica (PROSIC), 90 % des étudiants utilisent l’internet, un pourcentage qui passe à 99 % pour les étudiants entre 21 et 24 ans (PROSIC, 2008). Comme pour d’autres pays, la technologie numérique qui a connu la plus forte croissance est la téléphonie mobile, qui rejoint 57 % de la population.

Selon des données de 2007 de l’ICE[4] , le Costa Rica se place au troisième rang dans le monde pour l’utilisation individuelle du mobile (moyenne mensuelle de 181 minutes par client). Pour ce qui est du coût d’un appel, le Costa Rica a le taux le plus bas de l’Amérique latine et se situe au 27e rang dans le monde (FEM, 2007), ce qui s’explique par deux éléments : le coût d’un appel (0,04 dollar) et le fait que dans le pays, les mobiles puissent communiquer sans limite de réseau et moyennant un tarif unique quel que soit l’endroit où l’on soit dans le pays.

L’envoi de SMS est encore plus fréquent entre Costaricains, le coût (de 0,0027 dollar) ainsi que l’étendue de la couverture en faisant une forme populaire de communication. Entre 2003 et 2006, les SMS ont plus que doublé, atteignant en moyenne 252 messages par utilisateur par mois.

Concernant les TIC et l’analyse du revenu, les ménages à revenu élevé ont beaucoup plus accès aux TIC. Par exemple, pour l’accès au mobile, le quintile ayant le revenu le plus élevé montre un pourcentage de 86 % et le quintile le moins élevé de 24 %. La présence d’ordinateurs dans les ménages suit une tendance similaire : seulement 5 % des ménages à faible revenu ont un ordinateur et aucun n’est connecté alors que 63 % des ménages aux revenus les plus élevés ont un ordinateur et 30 % ont l’internet (PROSIC, 2007).

Le rapport CID Gallup indique que dans les ménages connectés, trois personnes en moyenne utilisent l’internet. Mais ces mêmes personnes se connectent souvent dans des lieux publics comme les centres d’étude, les bureaux et les cafés internet.

Il est intéressant de souligner l’importance de l’utilisation publique des TIC. Les cafés internet sont très présents, plus de 800, et jouent un rôle majeur pour assurer l’accès aux TIC à faible coût.

Mesures à prendre

Compte tenu des changements apportés dans la législation à la suite de l’ALEAC, il est impossible de savoir si le modèle de solidarité visant à assurer l’accès aux TIC en tant que droit universel aurait eu le même effet que sur d’autres services essentiels au Costa Rica (comme l’électricité, l’éducation, la téléphonie fixe et l’eau, par exemple). Il faudra surveiller les transformations dans les services de télécommunication et voir si le marché offrira de meilleurs services que le modèle d’accès universel développé dans le pays. Il s’agira d’une bonne étude de cas puisqu’il existe des données de base et une documentation historique à laquelle comparer la situation future.

Il existe d’autres pays ayant appliqué de bonnes pratiques et ayant retenu des leçons dont le Costa Rica pourrait s’inspirer avant d’apporter des changements radicaux, en particulier dans l’utilisation des fonds de télécommunication.

Il sera difficile de maintenir l’idée d’accès universel aux services de télécommunications dans un cadre de concurrence. Mais il serait intéressant de tester certaines possibilités et d’encourager une participation citoyenne et de la société civile à ce débat. L’utilisation et l’appropriation sociale des TIC seraient un bon point de départ pour réfléchir à de futures mesures.

Références

CAATEC (Comisión Asesora en Alta Tecnología deCosta Rica):www.caatec.org

CID Gallup:www.cidgallup.com

FEM (Forum économique mondial),The Global Information Technology Report 2006-2007. Genève, FEM, 2007

ICE (Instituto Costarricense de Electricidad):
www.grupoice.com/index.html

INEC (Instituto Nacional de Estadística y Censos),Encuesta de Hogares de Propósitos Múltiples, 2006.
Voir à:www.inec.go.cr/IndexPantallaSet.htm

PROSIC (Programa Sociedad de la Información y el Conocimiento),Hacia la Sociedad de la Información y el Conocimiento en Costa Rica: Informe 2007. San José: PROSIC/Universidad de Costa Rica, 2007.
Voir à: www.prosic.ucr.ac.cr/informe_2007/index.htm

PROSIC,Los jóvenes costarricenses en la Sociedad de la Información: Avance de resultados. San José: PROSIC/Universidad de Costa Rica, 2008.
Voir à :www.prosic.ucr.ac.cr/jovenes/jovenes.pdf

RACSA (Radiográfica Costarricense S.A.):www.racsa.co.cr


Notes de bas de page

[1] Le terme « État solidaire » renvoie à la politique qui veut que ceux qui sont mieux nantis paient davantage pour subventionner ceux qui ont moins. L’accès universel aux services de base est ainsi possible.