Bangladesh

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Introduction

En 2007, le Bangladesh a une population de 138,23 millions de personnes et un produit intérieur brut (PIB) par habitant de 520 dollars. Presque 76 % de la population vit dans des régions rurales où le taux d’alphabétisation est d’environ 56 %[1]et où 41 % de la population vit avec moins d’un dollar par jour. Le pays continue de faire des progrès considérables dans le développement des TIC, comme en témoigne la pénétration de l’usage des TIC, l’amélioration de l’infrastructure et un régime réglementaire favorable. Selon l’Union internationale des télécommunications (UIT), le Bangladesh compte environ 450 000 internautes (en août 2007), soit environ 0,3 % de la population. Mais la croissance de la téléphonie mobile est phénoménale. Actuellement au Bangladesh, il y a environ 40 millions d’utilisateurs de mobile, dont beaucoup accèdent à l’internet par leur téléphone cellulaire[2].

La situation dans le marché du réseau téléphonique commuté public (RTCP) n’est pas aussi euphorique. Environ 80 % des lignes téléphoniques terrestres se trouvent dans les quatre principales villes du Bangladesh, où seulement 20 % de la population vit. À la fin de 2007, les abonnés au RTCP ont dépassé 1,19 million de personnes par rapport à 1,01 million en juin 2006. Le Bangladesh a été connecté au câble sous-marin à large bande SEA-ME-WE 4[3]en 2006. La capacité de transfert de données du câble est de 14,78 giga octets par seconde (Gbps), dont 3,28 étaient utilisés jusqu’en juin 2007[4]. Malgré ce profil démographique, le Bangladesh se place plutôt bien à l’égard de certaines indicateurs sociaux comme l’amélioration de l’alphabétisation des femmes et la fréquentation scolaire, la réduction de la mortalité infantile, l’amélioration de l’accès à l’eau potable et aux réseaux d’assainissement, etc. Mais bien que les télécoms soient un des principaux facteurs de croissance du PIB au Bangladesh, leurs liens avec les indicateurs du développement social et humain ne sont pas souvent étudiés et ne sont pas pris en compte dans les politiques.

Cadre légal et réglementaire

Dans leur document de recherche, « Regulating for the Next Billion », Rajendra Singh et Siddhartha Raja (2008), font valoir que le régulateur doit s’occuper autant des questions de l’offre que de la demande. Du côté de l’offre, les régulateurs de télécoms s’occupent de trois types fondamentaux de questions : l’interconnexion, l’affectation des ressources et la gestion des revenus. Du côté demande, la tâche du régulateur est normalement indirecte, en particulier parce que il est impossible de commander aux utilisateurs de faire quelque chose. Mais le régulateur, par le contrôle de l’offre des TIC, peut faire en sorte que les services de télécom rejoignent la population mal desservie (service universel), soient abordables (subventions) ou respectent une norme minimale (qualité du service et interconnexion) (Singh et Raja, 2008).

Avant 1996, le contexte politique des télécoms au Bangladesh était plutôt catastrophique : absence d’organes de réglementation et monopolisation du réseau des télécom par le gouvernement ou un réseau privé (Citycell). Au début des années 90, le gouvernement du Bangladesh a rejeté l’offre de connexion au câble sous-marin pour des raisons de sécurité. En 1996, il a commencé à offrir des licences de services sans fil et a ouvert le marché à plus d’un acteur, dont GrameenPhone, une filiale de Grameen Bank, une grande organisation de développement du pays. La Loi sur les télécommunications du Bangladesh (avril 2001) a fondé la Commission de réglementation des télécommunications du Bangladesh (BTRC) marquant là une nouvelle ère dans l’environnement réglementaire des télécoms.

Les principales fonctions établies pour ce régulateur sont indiquées dans la loi comme suit:

  • Réglementer l’établissement, le fonctionnement et le maintien de services de télécoms au Bangladesh.
  • Contrôler et abolir les pratiques discriminatoires et assurer des règles du jeu équitables pour les opérateurs ainsi qu’une saine concurrence.
  • Entendre et résoudre les objections, les différends et les plaintes au moyen d’audiences publiques et de la délivrance d’injonctions.

Jusqu’ici, le régulateur a accordé des licences à quatre fournisseurs de service de passerelle internationale, six opérateurs de mobile, 185 fournisseurs de services internet (FSI), à Dhaka et ailleurs, 21 opérateurs de micro-stations terriennes (VSAT) et six opérateurs de RTCP. Récemment, il a décidé d’accorder 116 licences de radio communautaire dans les régions côtières et éloignées. La commission est également responsable de formuler les règlements relatifs à l’introduction des réseaux et services de télécom de la prochaine génération au Bangladesh. Dans ce contexte, elle a récemment commencé à accorder des licences à des services de communication vocale par protocole Internet (VoIP) (pour des centres d’appel), des services de la troisième génération (3G) et des services Wimax.

Différentes lois ont résolu bon nombre des problèmes d’interconnexion des télécoms associés à l’extension des télécoms dans le pays. Par exemple, le Règlement sur l’interconnexion de 2004 stipulait qu’un accord d’interconnexion devrait être exécuté dans les trois mois suivant la date du début de l’offre de services de télécommunication de la part du nouvel opérateur. La Loi sur les télécommunications du Bangladesh de 2001 énonce également que si les parties intéressées qui doivent exécuter des accords d’interconnexion ne peuvent s’entendre sur les modalités de cet accord, elles peuvent s’adresser à la commission pour obtenir un jugement.

La déréglementation des télécoms a continué d’alimenter la concurrence, en particulier le marché du mobile. Les six opérateurs de téléphonie mobile se font une concurrence vigoureuse qui a permis de réduire les tarifs des appels à un niveau qui est un des plus bas de l’Asie du Sud. Certains opérateurs ont commencé à offrir un appel pour l’équivalent de quelque 0,004 dollar – le tarif de base offert par la BTRC.

Le secteur privé possède 98 % de part de marché dans le secteur de la téléphonie mobile. Mais dans le marché de la ligne fixe, le Bangladesh Telegraph and Telephone Board (BTTB), l’opérateur historique, possède 74 % de part de marché. La BTRC a donc divisé le pays en cinq zones et autorisé l’octroi de 35 licences à 15 opérateurs de RTCP du secteur privé dans le cadre d’un système de licence ouverte et transparente. En mars 2006, la BTRC a fait un appel d’offres auprès des opérateurs privés pour pouvoir accorder des licences à quatre opérateurs privés dans la zone centrale. Les nouveaux opérateurs ont commencé à offrir des connexions à partir de septembre 2007. Il est prévu qu’après la déréglementation du marché des télécoms fixes à Dhaka, le RTCP augmente de plus de 100 % avant la fin 2008.

Le processus d’octroi de licence des premiers centres d’appel a été très ouvert et transparent. Avant de délivrer les licences, la BTRC a organisé des consultations publiques afin d’élaborer des lignes directrices. Pour encourager l’emploi des jeunes et l’investissement dans les centres d’appel, ces lignes directrices proposaient de délivrer des licences dans trois grandes catégories : centres d’appel nationaux, centres d’appel hébergés au Bangladesh (pour des entreprises sans infrastructure) et fournisseurs de service de centres d’appel hébergés au Bangladesh. Les droits de licence s’élevaient à 5 000 BDT (environ 70 dollars) pour chaque catégorie pendant la période initiale de cinq ans. La BTRC a délivré les licences à treize personnes et coentreprises.

Des mises aux enchères pour délivrer des licences de passerelles internationales, de points d’interconnexion et de passerelles internet internationales ont également été organisées[5].

La séparation du Bangladesh Submarine Cable Company Limited (BSCCL) du BTTB a également eu d’importantes implications sur les politiques. Auparavant, le BTTB était à la fois un régulateur, un fournisseur de services et un propriétaire d’infrastructure. Cette division devrait ouvrir une nouvelle ère dans le secteur des télécommunications.

Accès physique à la technologie

Le Bangladesh a été connecté au SEA-ME-WE 4, au coût de 35,1 millions de dollars, mais en utilisant un modèle déjà obsolète d’opérateur unique responsable de toute la connectivité internationale. L’expert en réglementation, Rohan Samarajiva, estime que dans ce cas, l’agence de réglementation devrait intervenir pour développer un modèle hybride dans lequel le BTTB crée la capacité nécessaire pour rejoindre une large population ou des centres commerciaux et pour offrir à d’autres opérateurs une connectivité selon des modalités non discriminatoires ou axées sur les coûts (l’option « achat »). Il a également fait valoir que tous les opérateurs devraient bénéficier d’une option « construction » pour construire une liaison vers leur station de câble, co-implanter de l’équipement, etc. L’offre de construction et d’achat réduit le fardeau imposé à la réglementation (Samarajiva, 2005).

Malgré la présence d’une bande passante de grande capacité, le nombre d’internautes n’a guère progressé ces deux dernières années. Jusqu’à l’an dernier, BTTB était le seul fournisseur de bande passante, dont le coût d’exploitation était élevé. En février 2008, il a réduit le tarif internet de 20 à 40 % en espérant favoriser ainsi l’usage de l’internet. Selon la nouvelle grille tarifaire, les frais mensuels ont baissé de 14 à environ 10 dollars. L’allocation annuelle pour l’accès internet jusqu’à 2 mégabits par seconde (Mbps) a baissé à environ 20 571 dollars par rapport à son plafond original de 27 428 dollars. Mais de nombreux experts pensent que cette baisse de prix ne permettra pas de rejoindre une plus grande population dont la demande de connectivité augmente. Le tarif reste neuf à dix fois supérieur à celui de la même bande passante en Inde ou au Pakistan (Daily Star, 2008).   

Le BTTB a déjà récupéré le coût d’investissement initial pour la pose du câble sous-marin. La société civile appelle maintenant le gouvernement à réduire radicalement les frais d’internet pour qu’ils correspondent à ceux d’autres pays d’Asie du Sud. Certains organismes gouvernementaux reconnaissent que les prix de la bande passante fixés par le BTTB sont beaucoup trop élevés et doivent être rajustés. Dans une interview récente avec le Daily Star, le président de la BTRC, Manzurul Alam, a déclaré que les prix de la bande passante du BTTB étaient « anormalement élevés » et qu’ils devraient descendre à 10 000 BTD (145 dollars) par mégabit (Daily Star, 2008).

Le gouvernement répond également au besoin croissant de bande passante en permettant le développement d’un nouveau câble sous-marin. La BTRC a déjà publié des lignes directrices invitant les investisseurs privés à faire des propositions.

Contenu adapté au niveau local

L’amélioration de la connectivité a pour résultat intéressant de voir la demande passer de la connectivité au contenu. Le Bangladesh en est à ce stade de transition. À mesure que les institutions de télécom se réorganisent et que le marché s’étend, un environnement favorable alimente l’appétit de contenu et de services. Ce besoin de contenu est traité de trois façons:

  • Disponibilité de contenus différents par internet et connexion par téléphone cellulaire
  • Nouvelles innovations pour l’utilisateur final et contenu créé par l’utilisateur
  • Demande de processus et de normes de localisation.

Le gouvernement du Bangladesh est à l’avant-garde en matière de la publication de contenus numériques. Le Digital Review of Asia Pacific 2007-2008 indique que le gouvernement, avec l’aide du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) a publié de nombreux documents sous forme numérique, tant sur le Web (www.forms.gov.bd) que sur CD-ROM. La majorité de ces documents peuvent maintenant être téléchargés gratuitement. Il s’agit notamment de formulaires de demandes de passeport, de demandes de visa, de citoyenneté, de pension, de connexion internet (par le BTTB), d’extraits de naissance, de déclarations d’impôt et de permis de conduire. Mais sur les 40 ministères figurant sur le site Web du gouvernement (www.forms.gov.bd/eng/ByMinistry.aspx), seuls huit ont partiellement publié leurs documents (Librero et Arinto, 2007).

Plusieurs organisations non gouvernementales (ONG), selon leur spécialisation, ont produit du contenu numérique sur des questions de développement. Le Development Research Network (D-Net)[6], par exemple, a produit un certain nombre de CD sur les modes de subsistance à la suite d’une consultation avec les communautés rurales. Le International Rice Research Institute (IRRI) situé au Bangladesh a créé une « banque de connaissance du riz », un service numérique destiné à ceux qui fournissent des informations et un soutien aux agriculteurs (comme les ONG). Il s’agit de la première bibliothèque numérique sur la production de riz de plus en plus riche en renseignements sur la formation et la production de riz[7].

Plusieurs entreprises de téléphone mobile développent ou fournissent un contenu à valeur ajoutée qui fait appel au réseau mobile. GrameenPhone, un des plus grands réseaux de téléphonie cellulaire au Bangladesh, offre un certain nombre de bulletins d’actualité en collaboration avec des agences de presse. Son initiative de « bazar cellulaire » est un marché sur téléphone mobile où les utilisateurs peuvent acheter et vendre n’importe quel article à l’aide de leur téléphone. Banglalink a lancé un différent type de service pour les candidats au SSC (semblable à un examen de brevet des collèges). Il gère un service d’inscription par SMS où les candidats ayant un numéro Banglalink peuvent s’inscrire pour un examen en ligne. AKTEL, une autre entreprise, tient un portail de services de messagerie multimédia (MMS) par lequel ses abonnés peuvent envoyer des cartes virtuelles MMS à d’autres abonnés d’AKTEL, même si leur appareil n’est pas adapté[8].

La structure décentralisée de l’internet a encouragé la croissance de contenus créés par l’utilisateur et de publications en collaboration fondées sur un savoir collectif. Les jeunes sont maintenant nombreux à écrire et tenir des blogues et à participer à des sites de réseautage social (comme Facebook et LinkedIn). Le Bangladesh Open Source Network (BDOSN[9], un réseau informel qui cherche à populariser les logiciels libres, vise à faciliter les contenus en bengali (également appelé Bangla) sur Wikipedia. Dès janvier 2008, le Wikipedia en bengali[10]comptait plus de 16 000 entrées, une des versions les plus importantes de Wikipedia dans une langue autre que l’anglais, et est considéré comme une belle réussite par le fondateur de Wikipedia.

La localisation a également beaucoup contribué à l’utilité de l’informatique et de l’internet pour la population. Alors que le bengali est parlé par 210 millions de personnes dans le monde, il n’existait aucune application ou norme dans la langue locale avant la fin des années 90. Certaines polices de caractère en bengali ont été développées pour Windows, mais de façon aléatoire, d’où un manque d’interopérabilité. La définition de clavier était différente et rendait la localisation difficile. En 1998, Tanim Ahmed a résolu la question (bn.BD) et commencé à localiser Linux[11]. Depuis lors, ce sont des bénévoles qui ont mis en place d’importants projets, et plus récemment des institutions. Le projet de localisation PAN a contribué à établir le Centre de recherche sur le traitement en langue bangla à l’Université BRAC du Bangladesh[12]. Il a créé une liste de 100 000 mots avec repérage, verbe et morphologie du nom, éditeur de format RTF et correcteur d’orthographe. Un reconnaisseur perfectionné de caractère optique est également en train d’être développé.

Finalement, la Loi sur le droit à l’information permet aux citoyens de demander des informations et d’exiger la transparence dans les activités des institutions, y compris du gouvernement et des institutions non gouvernementales. Le gouvernement a rédigé la loi en 2002 mais ne l’a jamais déposée devant le parlement. Le gouvernement actuel essaie d’y apporter des modifications et prévoit d’en faire une ordonnance. Une loi semblable a été adoptée dans 65 pays d’Asie, y compris l’Inde et le Pakistan.

Mesures à prendre
  1. Il est important que le gouvernement continue de réglementer de façon efficace pour assurer l’équilibre du secteur des télécommunications entre les côtés offre et demande. Il doit encourager le professionnalisme, la compétence et l’obligation de rendre compte, y compris pour l’opérateur historique. 
  1. Il est essentiel que les organisations de la société civile comprennent tout ce qui touche aux TIC et à la réglementation des télécoms et se fassent entendre. Peu d’organisations au Bangladesh ont cette capacité. Le renforcement de la capacité en matière de politique et de réglementation est donc une mesure importante.
  1. La priorité au Bangladesh est de passer de la connectivité au contenu et aux services. Avec l’amélioration de la connectivité, de nouveaux contenus et services vont probablement apparaître. Les organisations de la société civile doivent être prêtes à participer pour voir quels contenus et services peuvent être développés pour répondre aux besoins du secteur du développement social.
Références

Asia-Pacific Development Information Programme: www.apdip.net

Bangladesh Open Source Network (BDOSN): www.bdosn.org

Commission de réglementation des télécommunications du Bangladesh (BTRC): www.btrc.gov.bd

Wikipedia en bengali: bn.wikipedia.org/wiki

Centre de recherche sur le traitement en langue bangla: www.bracuniversity.net/research/crblp

Daily Star, 20-40pc internet tariff cut. The Daily Star, 7 février 2008. 
Voir à: www.thedailystar.net/story.php?nid=22295

Development Research Network (D-Net):
www.dnet-bangladesh.org/main.html

International Rice Research Institute – Rice Knowledge Bank: www.knowledgebank.irri.org/rkb/first.htm

Librero, F. et Arinto, P. (éd.), Digital Review of Asia Pacific 2007-2008. Sage/IDRC/Orbicom, 2007. 
Voir à: www.idrc.ca/en/ev-116715-201-1-DO_TOPIC.html

mobiForge: mobiforge.com

Samarajiva, R., Making the most of submarine cable connectivity for Bangladesh. The Daily Star, 6 décembre 2005. 
Voir à: www.thedailystar.net/2005/12/06/d512061501104.htm

Singh, R. et Raja, S., Regulating for the Next Billion. In Samarajiva, R. et Zainudeen, A. (éd.) ICT Infrastructure in Emerging Asia: Policy and Regulatory Roadblocks. Sage India/CRDI, 2008. 
Voir à: www.idrc.ca/en/ev-117916-201-1-DO_TOPIC.html


Notes de bas de page

 

[3] South East Asia-Middle East-West Europe 4