Roumanie

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Introduction

Ce rapport porte sur deux questions : l’accès aux technologies de l’information et de la communication (TIC) et le contexte légal et politique qui définit l’accès aux TIC en Roumanie. En nous basant sur les conclusions du rapport 2007 de GISWatch[1]sur la Roumanie, nous avons estimé que ces questions étaient les plus pressantes et donc les plus utiles à évaluer. Une des principales hypothèses a été que le secteur des TIC en Roumanie est devenu plus dynamique, plus visible et a pu recevoir une aide financière suite à son accession à l’Union européenne. Le rapport a été compilé à la suite de recherches et d’une analyse empirique (observations des participants à de grands événements de TIC et interviews avec des acteurs importants entre mai et juin 2008).

Le secteur des TIC roumain représente un chiffre d’affaires de plus de 7 milliards d’euros en 2008, soit 10 % de la contribution au produit intérieur brut (PIB)[2]. Le secteur a attiré d’importants investissements, des ressources humaines de grande qualité et le prestige auprès de la population (Baltac, 2008).

Depuis l’entrée de la Roumanie dans l’Union européenne en janvier 2007, il a été plus facile d’accéder à un financement structurel pour développer les TIC. Des partenariats publics et privés ont renforcé les processus décisionnels et les investissements infrastructurels : des entreprises bien organisées et actives ont été à l’avant-garde de l’initiative de développement des TIC. Parallèlement, les acteurs de la société civile sont devenus plus visibles : la Conférence eLiberatica de 2008[3]sur les logiciels libres a suscité davantage d’intérêt qu’en 2007 et un projet d’éducation internet bien médiatisé a été mis en œuvre en 2007 et 2008 par le Centre pour un journalisme indépendant (CJI)[4]et l’Association pour la technologie et l’internet (APTI)[5].

Selon des intervenants des médias, du milieu juridique et des TIC interrogés, les principaux obstacles aux TIC sont le manque de formation pratique, l’incertitude du cadre réglementaire et la faiblesse de l’autorégulation en ce qui concerne le contenu, tant au niveau individuel qu’institutionnel[6]. L’accès à l’infrastructure et les différences liées à la géographie, au genre et à l’âge ne font pas partie du discours officiel sur les TIC en Roumanie.

Accès aux TIC en Roumanie

Le développement dynamique des TIC de 2002 à 2007, motivé par les exigences de l’accession à l’UE et sous l’impulsion du milieu des affaires[7], a apporté de nombreux avantages aux personnes, aux organisations et à la société en général. Des acteurs des secteurs public et privé ont financé un processus bien visible d’inclusion numérique. Les principaux bailleurs de fonds des projets et des programmes de développement de TIC en Roumanie ont été l’UE, la Banque mondiale, l’Agence de développement international des États-Unis (USAID), le Centre pour les entreprises privées internationales (une organisation à but non lucratif affiliée à la Chambre de commerce des États-Unis) et les ministères des TIC et de l’Éducation. Des organismes occidentaux ont servi de modèle à la Roumanie en particulier dans le secteur des affaires (Bakó, 2007).

L’accès infrastructurel aux TIC s’est considérablement amélioré : les services de téléphonie et l’internet ont rejoint les localités les plus éloignées, grâce à la mise en œuvre d’une directive de service universel en 2004 (Manolea, 2008). Sous la pression de l’UE, le marché des télécommunications est libéralisé depuis le 1er janvier 2003. En quatre ans, les fournisseurs de service de téléphonie fixe concurrents se sont accaparés 28,7 % de part de marché comme l’indique le tableau 1.

 

Tableau 1 : Structure du marché de la téléphonie fixe (2004-2007)

Indicateur

31 Dec 2004

31 Dec 2005

31 Dec 2006

31 Dec 2007

Part de marché de l’opérateur historique (%)

98.9

90.3

80.6

71.3

Part de marché des fournisseurs concurrents (%)

1.1

9.7

19.4

28.7

Source:www.anrcti.ro

 

Le 31 décembre 2007, le taux de pénétration de la téléphonie fixe se situait à 19,8 %, selon le régulateur (ANRCTI, 2008), par rapport à un taux de pénétration de 90,5 % pour la téléphonie mobile (Secmerean, 2008).

Entre 2005 et 2007, l’accès aux services internet s’est constamment amélioré, que ce soit par le nombre de fournisseurs de services internet (FSI) ou par la qualité du service. En deux ans et demi, le nombre des FSI a presque doublé comme le montre le tableau 2.

 

Tableau 2 : FSI en Roumanie (2005-2007)

Indicateur

30 juin 2005

31 déc. 2005

30 juin 2006

31 déc. 2006

30 juin 2007

31 déc. 2007

Nbre de FSI

692

981

1,154

1,412

1,389

1,338

Source:www.anrcti.ro

 

Le taux de pénétration de l’internet a augmenté régulièrement de 5,5 % en 2005 à 26,9 % en 2007. Il reste faible par rapport à d’autres États membres de l’UE, mais le taux de croissance est important, comme l’indique le tableau 3.

 

Tableau 3 : Croissance du taux de pénétration de l’internet en Roumanie (2005-2007)

Indicateur

30 juin 2005

31 déc. 2005

30 juin 2006

31 déc. 2006

30 juin 2007

31 déc. 2007

Accès total (%)

5.5

8.5

11.7

15.3

21.0

26.9

Large bande (%)

2.4

3.5

5.5

8.2

10.8

14.8

Source:www.anrcti.ro

 

Quant au taux de pénétration de l’internet large bande dédié, la Roumanie se situait parmi les trois derniers États membres de l’UE, comme le montre le tableau 4.

 

Tableau 4 : Taux de pénétration de la large bande internet dédiée dans l’UE au 31 décembre 2007

Indicateur

Danemark (élevé)

Bulgarie (faible)

UE-27

Roumanie

Pénétration (%)

36.6

7.6

20.0

9.9

Source:www.anrcti.ro

 

Le plus important programme d’inclusion numérique de la Roumanie est le Projet d’économie du savoir. Lancé par le ministère des Communications et de la Technologie de l’Information (MCTI), en partenariat avec les ministères de l’Intérieur et de l’Éducation, il est financé par la Banque mondiale (2006-2010). Le montant des fonds consacrés à cette initiative s’élève à 70 milliards de dollars[8]. Une importante composante du programme est la création de 200 centres du savoir dans des petites localités non connectées de la Roumanie. La prochaine étape consiste à cibler les petites entreprises et les autorités locales et à les encourager à établir des relations entre entreprises et entre entreprises et consommateurs.

Une autre initiative gouvernementale importante a été présentée à la conférence de logiciels libres eLiberatica : le développement d’une identité ouverte en Roumanie (Teodorescu, 2008). Le MCTI négocie actuellement avec les principaux opérateurs de téléphonie et les banques commerciales pour créer une identité numérique qui permettrait aux Roumains d’avoir un accès facile, sûr et abordable aux services électroniques offerts par les organismes gouvernementaux et les entreprises.

Le secteur des TIC de Roumanie constitue une communauté bien organisée, réfléchie et active. Selon les experts interrogés, celui-ci attire des spécialistes et des ressources, il suscite l’attention et est un objet de prestige. Les principaux acteurs de ce secteur sont organisés de façon informelle en groupe de pression politique (Tech 21 Coalition), qui surveille les lois et les règlements du secteur des TIC et se fait le porte-parole de ses membres.

Les organismes œuvrant pour les logiciels libres font également entendre leurs voix. L’Initiative de logiciel libre roumaine[9], une organisation non gouvernementale créée en 2007, a organisé deux conférences sur l’adoption des logiciels libres dans les entreprises, au gouvernement, parmi les utilisateurs et les développeurs. La première conférence eLiberatica (2007), qui a porté sur des questions d’ordre général relatives aux logiciels libres, a attiré des participants du secteur commercial des logiciels libres (dont IBM, Sun Microsystems, eZ, Fondation Mozilla, Gartner) et des développeurs de logiciels libres de renom sur le plan international. La seconde conférence a rejoint une plus large audience, notamment des entreprises, des responsables des pouvoirs publics, des médias et des développeurs internationaux et locaux.

L’accession de la Roumanie à l’UE (depuis le 1er janvier 2007) lui a ouvert l’accès au Fonds structurel pour le développement des TIC. Le montant des fonds consacrés au renforcement du secteur s’élève à 559 milliards d’euros, avec une contribution de 68,5 % de l’UE et un cofinancement des secteurs public et privé, comme l’indique le tableau 5.

 

Tableau 5 : Fonds structurel de l’UE consacré au développement des TIC en Roumanie (2007-2013)

Montant total (euros)

Contribution de l’UE

Cofinancement public

Cofinancement privé

559 milliards

383 milliards

86 milliards

90 milliards

Source:www.mcti.ro

 

Le financement de l’UE vise trois grands secteurs : développer l’utilisation des TIC, renforcer les services électroniques et assurer la viabilité de la cyber-économie en accordant davantage de ressources à l’utilisation des TIC, comme l’illustre le tableau 6.

 

Tableau 6 : Priorités d’affectation du Fonds structurel de l’UE pour le développement des TIC en Roumanie

Montant total (euros)

Utilisation des TIC

Services électroniques

Cyber-économie

383 milliards

149 milliards

119 milliards

115 milliards

Source: www.mcti.ro

 

Les objectifs de développement du Fonds structurel ont été clairement fixés dans chaque domaine en fonction des besoins particuliers du pays:

  • Les projets visant une meilleure utilisation des TIC devraient permettre aux localités non connectées et aux écoles de bénéficier d’un accès à la large bande.
  • Les projets visant les services électroniques devraient privilégier le gouvernement en ligne, améliorer l’interopérabilité des systèmes électroniques et étudier les applications d’apprentissage à distance et de télésanté.
  • Les projets concernant la cyber-économie devraient produire des systèmes électroniques pour une gestion efficace des entreprises et pour la gestion des activités entre entreprises (par exemple paiement, commerce et appels d’offres en ligne).

Les TIC au service de l’éducation suscitent beaucoup d’intérêt. Les experts dans le domaine de l’éducation et des médias ont estimé que la formation en TIC est trop théorique et privilégie trop les connaissances par rapport aux compétences (Baltac, 2008 ; Avădani, 2008). Les écoles secondaires et les universités veulent enseigner des compétences de pointe en programmation alors que l’utilisation pratique, éthique et sensible aux données de l’internet n’est pas au programme des éducateurs (Prensky, 2006).

Le discours officiel sur les TIC n’aborde pas les questions de genre et de généralisation des logiciels libres. Les représentants du gouvernement à qui l’on reprochait ce manque de visibilité dans les discussions publiques ont déclaré lors de la conférence eLiberatica 2008, que le principe de neutralité les empêchait de promouvoir l’une ou l’autre des solutions propriétaires et libres.

Cadre légal et réglementaire

Les forces et les faiblesses de la politique de TIC en Roumanie sont liées aux pressions qu’exerce l’UE en vue de l’accession, aux tendances du marché et au manque de capacité des institutions réglementaires (Manolea, 2008). Les principales forces du secteur, selon Manolea, sont les efforts considérables déployés pour rattraper la législation de l’UE sur la libéralisation et la simplification des processus d’autorisation des entreprises de TIC. La principale faiblesse concerne l’instabilité législative et fonctionnelle. L’instabilité législative est le résultat d’une harmonisation trop rapide et mal préparée avec la législation de l’UE sans tenir compte du cadre réglementaire du pays. C’est ainsi que le gouvernement a adopté toute une série de lois sur les TIC sans passer par un processus de consultations (Manolea, 2008). L’instabilité fonctionnelle renvoie à l’imprécision et à l’incertitude du cadre réglementaire qui complique le travail des responsables des pouvoirs publics.

Les questions de protection des données personnelles et du droit à la vie privée devraient susciter des débats et des préoccupations en raison du boom du commerce en ligne (Jugastru, 2008). Tout en copiant les directives de l’UE sur la question, les lois et les règlements adoptés en Roumanie sont problématiques : ceux qui portent sur la conservation des données personnelles ne sont pas assez justifiés et d’autres portant sur les mécanismes de contrôle des données stockées ne sont pas suffisamment clairs si bien que les garanties de protection des renseignements personnels sont insuffisantes.

Un projet de la Banque mondiale concernant l’Europe du Sud-Est a financé la création d’un CD-ROM sur les politiques publiques de TIC de la Roumanie destiné au secteur commercial des TIC. Le secrétaire d’État au MCTI a déclaré, lors du lancement, que la Roumanie pourrait devenir un chef de file dans le domaine des TIC dans la région et un modèle pour d’autres pays (MCTI, 2008).

Les acteurs de la société civile, en particulier le Centre pour un journalisme indépendant et l’Association pour la technologie et l’internet ont beaucoup parlé des pratiques de communication responsables sur l’internet. L’éducation et l’autorégulation sont considérées comme les meilleurs moyens d’atteindre cet objectif, selon un expert des médias (Av’dani, 2008). Les pouvoirs publics ne devraient pas intervenir pour limiter le contenu internet ; on devrait plutôt sensibiliser les particuliers et les institutions aux pratiques d’autorégulation (CJI, 2008).

Pour conclure, les professionnels et les acteurs institutionnels de la Roumanie commencent à mieux connaître les questions associées à la politique de TIC et en parlent plus fréquemment. Le fait que huit experts en droit et en TIC roumains aient récemment contribué à un ouvrage sur la société de l’information en Europe, en particulier la politique de TIC (Péron, 2008), en est un signe évident.

Mesures à prendre

Deux mots définissent les priorités en termes d’accès et de politique de TIC : éducation et participation. Ces mots sont liés et renvoient aux deux questions analysées dans ce rapport.

L’éducation est un important facteur de l’utilisation stratégique des TIC : les universités doivent établir leurs programmes de TIC dans une optique plus concrète en privilégiant les compétences plutôt que le savoir théorique (Baltac, 2008). Il faut également éduquer la population en général (particuliers et organisations) pour qu’elle puisse vraiment bénéficier de la société de l’information (Brad, 2008).

Les acteurs de la société civile devraient contribuer à sensibiliser les jeunes à l’utilisation professionnelle de l’internet et à des aspects comme la protection des renseignements personnels (Av’dani, 2008).

Il est essentiel de renforcer les partenariats et d’adopter une approche multipartite pour le développement des TIC afin de favoriser une régulation inclusive et transparente, selon les experts en politique de TIC (Manolea, 2008; Jugastru, 2008).

Il faut faire davantage pour encourager l’utilisation des logiciels libres et l’intégration du genre en Roumanie, et les organisations de la société civile et des pouvoirs publics devraient systématiquement faire partie de ce processus.

Finalement, la politique de TIC de la Roumanie doit se doter d’un cadre réglementaire plus stable, plus transparent et faisant davantage appel à la participation publique.

Références

 

ANRCTI (Autoritatea Nationala pentru Reglementare in Comunicatii si Tehnologia Informatiei),Piata de comunicatii electronice din Romania, 2007. Voir à:www.anrcti.ro

Association pour la technologie et l’internet (APTI):www.apti.ro

Av’dani, I., De la non-reglementare către auto-reglementare pe Internet. Présentation à l'atelier CJI,Bune practici in comunicarea pe Internetul romanesc,Bucarest, 19 juin, 2008.

Bakó, R., Information Society Discourse in Romania: Role Modeling Western Factors,Electronic Journal of Radical Organization Theory, 2007. Voir à:Conference paper

Baltac, V., Universities and the Information Society. In Péron, F. (éd.),L’Europe dans la societé de l’information,Bruxelles, Larcier, pp. 205-214, 2008.

Brad, R., Un seul réseau de communication – un seul monde – un internet. In Péron, F. (éd.),L’Europe dans la societé de l’information,Bruxelles, Larcier, pp. 29-36, 2008.

CJI (Centrul pentru Jurnalism Independent),Bune practici in comunicarea pe Internetul romanesc, 2008. Voir à:www.cji.ro/articol.php?article=440

eLiberatica:www.eliberatica.ro

Finantare.ro:www.finantare.ro

Jugastru, C., La protection des données personnelles et le commerce électronique – la situation en droit roumain. Dans Péron, F. (éd.),L’Europe dans la societé de l’information,Bruxelles, Larcier, pp. 185-204, 2008.

Manolea, B., Réglementation des communications en Roumanie – peut-on parler d’un succès? Dans Péron, F. (éd.),L’Europe dans la societé de l’information. Bruxelles, Larcier, pp. 37-56, 2008.

MCTI (Ministère des Communications et de la Technologie de l’Information),Sectorul IT&C romanesc promovat ca exemplu de buna practica in regiunea Europei de Sud-Est, 2008.Voir à: www.mcti.ro

Péron, F. (éd.),L’Europe dans la societé de l’information. Bruxelles, Larcier, 2008.

Prensky, M., Listen to the Natives.Educational Leadership,63(4), pp. 8-13, 2006.

Secmerean, E., Rata de penetrare a telefoniei mobile, 108%. Business Standard, 11 mars, 2008. Voir à:www.standard.ro/articol_34059/rata_de_penetrare_a_telefoniei_mobile__108.html

Teodorescu, C., For the First Time in Europe: Digital ID Providers and OpenID Services for RomaniaPrésentation à la conférence eLiberatica, Bucarest, 29-31 mai, 2008.

 


Notes de bas de page

[2]Ministère de la Communication et des Technologies de l’Information (MCTI):www.mcti.ro

[6]Le contenu créé par l’utilisateur doit faire l’objet d’une autorégulation et non d’une intervention institutionnelle, qui limiterait la liberté d’expression.

[7]Voir GISWatch 2007.

[8]Finantare.ro:www.finantare.ro