République du Congo

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AZUR Développement

Les droits des femmes et leur accès à l’internet

Introduction

L'Internet est une ressource importante qui permet à tous, et aux femmes en particulier, d'exercer leur droit à la liberté d'expression, de partager leurs opinions et leurs idées, d’acquérir de nouvelles compétences et une meilleure compréhension et de partager des informations. L'accès internet permet aux femmes de participer à la société de l'information, d'exercer leurs droits de citoyennes, d'accéder aux informations sur les soins de santé et d'autres services, de former des communautés, de participer aux processus formels et informels qui façonnent leur vie sociale, culturelle et politique et d’établir des mouvements pour leurs propres droits.

Toutefois, tout en reconnaissant le rôle de l'internet dans l'autonomisation des femmes en Occident, on peut se demander s’il joue le même rôle pour les femmes et les jeunes filles des pays africains, tels que la République du Congo.

Avant de répondre à cette question plus tard dans le rapport, il est d'abord important de préciser combien d'abonnés à l'internet compte le Congo. Selon l'Agence de Régulation des Postes et des Communications électroniques (ARPCE), il y avait environ 15 000 abonnés en 2009 sur une population estimée à quatre millions. En outre, l’ARPCE indique que 4,3 millions d'abonnés au téléphone mobile accèdent au service Internet offerts par les quatre sociétés de télécommunications du pays.

[AF1] Cette étude porte sur l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC), en particulier l'internet, pour promouvoir et défendre les droits des femmes et pour soutenir leur lutte pour l'égalité et la fin des inégalités sociales, économiques, culturelles et politiques. Quels sont les problèmes auxquels sont confrontées les femmes et leurs organisations?

Analyse des lois sur les TIC et les droits des femmes

Aux fins de ce rapport, il est important de comprendre comment le cadre juridique traite les TIC de même que la protection des droits des femmes.

Le cadre juridique des TIC

Actuellement, la loi n° 9-2009 du 25 novembre 2009, qui réglemente le secteur des communications électroniques, est la seule qui traite des TIC. Cette loi décrit les conditions d'installation et d'utilisation des services de communications électroniques et des réseaux. L'article 6 de la loi précise que la communication électronique peut être effectuée librement tant qu'elle respecte strictement les conditions de la loi.

L'article 85 de la même loi stipule que les pouvoirs publics doivent garantir les conditions nécessaires pour assurer l'accès et le service universel. À cette fin, la République du Congo a adopté une politique nationale sur le développement des TIC. La loi n ° 11-2009 a également créé un organisme qui réglemente les communications électroniques.

D'autres lois sont actuellement en préparation, notamment une loi qui protégerait les données personnelles en République du Congo, une loi sur la cybersécurité, une loi pour lutter contre la cybercriminalité  et une loi sur l'économie numérique. Un plan national de développement de l’internet haut débit est également en préparation.

Le cadre juridique des droits des femmes

En ce qui concerne la législation sur les droits des femmes, il est important de souligner que les différentes lois visent différents aspects. Il s'agit notamment de la loi du 17 octobre 1984 établissant le Code de la famille, le Code pénal de 1810, une loi du 14 juin 2010 sur la protection des enfants, une loi du 25 février 2011 qui promeut et protège les droits des populations autochtones et une loi du 3 juin 2011 qui appuie la lutte contre le VIH/sida et protège les droits des personnes vivant avec le VIH. D'autres projets de loi sont en préparation, notamment une loi sur la parité entre les sexes. Il n’existe pas de loi particulière sur la violence contre les femmes et les jeunes filles, et les textes qui abordent ​​le sujet, notamment le Code pénal de 1810 et le Code de la famille de 1984, ne correspondent plus aux réalités actuelles de notre société.

Questions pertinentes sur les droits des femmes

Le mouvement des femmes est l'ensemble des groupes et des réseaux de femmes qui luttent dans les arènes politique, économique et sociale pour l'autonomisation des femmes et des filles congolaises. Les Congolaises ont participé activement à la lutte pour l'indépendance jusqu'à maintenant. La lutte pour les droits des femmes a été principalement axée sur les droits sociaux, économiques et politiques, et les Congolaises ont travaillé à de nombreuses questions qui leur sont importantes. Il s'agit notamment de la lutte pour que les femmes puissent occuper des postes de pouvoir, en particulier en politique, en éducation, dans la lutte contre le VIH/sida, le paludisme, la drépanocytose et d'autres maladies, la lutte contre la violence faite aux femmes et aux filles, la lutte contre la discrimination des populations autochtones et, plus récemment, la parité entre les sexes.

Que les demandes aient été présentées par des femmes au sein de groupes politiques ou par des femmes de la société civile, elles ont réussi à apporter des changements. Les revendications des femmes dans les groupes politiques et la société civile ont donné des résultats concrets, comme la création d'un ministère de la Promotion de la Femme et de l'Intégration de la femme au développement en 1992, l'adoption d'un plan d'action national et leur intégration dans des documents et programmes stratégiques.

L’utilisation stratégique des TIC pour promouvoir les droits des femmes au Congo

Accès internet pour les organisations de femmes

Malgré les difficultés rencontrées par la société congolaise, et en particulier les femmes - problèmes encore plus prononcés dans les zones rurales  - pour accéder à l’internet, on doit reconnaître les contributions de l'internet depuis 2000, notamment le soutien des mouvements de femmes sur des sujets fondamentaux comme le droit aux soins de santé, à l'éducation et au leadership féminin et la lutte contre la violence. Certaines organisations de femmes disent qu’elles ont déjà payé 5 000 francs CFA (10 USD) pour utiliser l'internet dans les cybercafés, alors qu’elles peuvent le faire aujourd'hui pour 500 francs (1 USD). Le désir d'acquérir des connaissances et d'être connectées a conduit les femmes à chercher des informations et à créer de nouveaux programmes. De nombreuses histoires comme celle qui suit  ont été racontées.

Cette histoire se déroule à Makoua, à environ 800 kilomètres au nord de Brazzaville. Lucie, la directrice d'une ONG oeuvrant pour les droits des femmes, vient pour surveiller les activités menées par une organisation menant la lutte contre le VIH/sida. Consciente des difficultés d'accès à l'internet dans la région, elle achète à une compagnie de téléphone mobile un modem sous la forme de clé USB afin de pouvoir accéder à l'internet pendant son voyage à Makoua. Dès qu'elle est arrivée dans la région, elle découvre qu'elle ne peut pas se connecter. Il n'y a pas de réseau et pas de connexion internet. Alors qu’elle s'est résignée, les habitants du quartier l'informent qu'elle doit aller dans un autre quartier pour essayer d'accéder au réseau. Mais au bout de deux jours, elle est toujours incapable de se connecter. Face à la nécessité d’accéder à l'internet pour obtenir des nouvelles des partenaires et des collègues, elle a dit qu’elle ne pouvait pas passer une journée entière sans internet, que c’était sa seule source de communication avec les partenaires de l’organisation. Elle a finalement pu se rendre dans le seul cybercafé de la ville, tenu par un groupe religieux. Cette histoire, parmi bien d’autres, montre que dans certaines régions du pays, l'accès à l’internet reste extrêmement difficile et oblige à surmonter obstacle après obstacle.

En République du Congo, comme dans de nombreux pays africains, la violence sous toutes ses formes est une réalité quotidienne pour de nombreuses femmes et jeunes filles. Face à ces cas de violence, certaines associations se battent, chacune avec son approche et ses méthodes. Aujourd'hui, grâce à l'internet, de nombreuses organisations travaillent ensemble. Ces organisations sont notamment AZUR Développement, l'Association pour le Développement des Femmes Dans La Bouenza (BAD), le Réseau des Associations de Solidarité positive du Congo (RASPC) et l'Agence Régionale d'Information et de prévention sur le SIDA ( ARIPS ). Leur travail consiste à éduquer les femmes pour prévenir ces types de violence. Ces organisations forment également des victimes à la communication sociale pour éviter de nouvelles violences et offrir une aide psychosociale, médicale et juridique. L'internet a été un atout dans ce combat. Plus précisément, les femmes peuvent utiliser une plateforme internet créée par l'Association pour le progrès des communications et Développement AZUR pour déclarer et cartographier la violence familiale. Désormais, la violence familiale, longtemps considérée normale dans notre pays, est dénoncée et on trouve des données fiables en ligne sur cette violence.

Mais comme l'histoire de Lucie à Makoua l’illustre, les Congolaises éprouvent encore des difficultés à accéder à l’internet. L'internet aide les femmes dans leur combat, mais dans quelles circonstances et avec quels résultats?
« En théorie, nous aimerions consulter l'internet tous les jours, mais nous avons un problème : nous n'avons pas d'ordinateurs ni de connexion internet au bureau. En fait, nous pouvons utiliser l'internet au moins quatre fois par semaine en utilisant le bureau d’une autre association de femmes », a déclaré Blandine Sita, présidente de l'Association Femme Plus du Congo, une organisation de femmes qui lutte contre le sida. L'accès internet des activistes congolaises qui travaillent avec les organisations de la société civile est encore compliquée par le manque d'équipement, de financement et de compétences techniques.

Les différentes utilisations des TIC pour les droits des femmes

Les applications Internet les plus couramment utilisées sont le courrier électronique et les moteurs de recherche tels que Google. Les organisations de femmes utilisent aussi parfois les forums électroniques, les cours et les ateliers en ligne, les blogues et les réseaux sociaux.

Toutefois, à la suite des ateliers sur les compétences organisés par AZUR Développement, l’Association Dynamique Plurielle et Handicapés Sans Frontières, plus de femmes et d'organisations utilisent désormais les blogues pour faire entendre leur voix [1].

 Les récits personnels que les femmes envoient reconnaissent le rôle de l'internet dans leur travail : « Avant d’avoir accès à l'internet, nous appelions les amis au téléphone pour leur faire savoir que nous avions une réunion. Les gens venaient ou pas, et lorsque le quorum n'était pas atteint, nous ne pouvions pas tenir la réunion et nous devions repousser certaines échéances. Aujourd'hui, nous n'avons plus besoin de se rencontrer en un seul endroit, nous pouvons nous connecter les uns avec les autres par internet et pouvons échanger nos idées », a déclaré Carine Ndamba, présidente de l'Association Dynamique Plurielle (ADP). Par conséquent, l'internet a non seulement facilité le travail effectué par les associations, mais il a également permis à des organisations ayant les mêmes objectifs de mieux collaborer.

Certaines organisations de femmes se sont saisies de l'idée d'utiliser les TIC et l'internet pour effectuer des tâches, faire de la recherche et communiquer avec d'autres organisations et réseaux. Elles ont pu rejoindre des réseaux régionaux et internationaux et bénéficier d’un renforcement de leurs compétences, de subventions et de nouvelles connaissances.

Aujourd'hui, « certaines femmes à risque qui ont été formées ont créé des blogues et ont été contactées par d'autres, même ici au Congo. Chaque année, nous recevons des courriels de gens qui nous disent par exemple, « Je suis victime de violence et je ne sais pas où aller. Suis-je seule? » Il y a plusieurs années, ce n'était pas possible », a déclaré Sylvie Niombo, directrice d’AZUR Développement[2].

Aujourd’hui, les organisations de femmes cherchent les dernières informations sur les droits des femmes et l'internet leur permet d’accéder à ce dont elles ont besoin. Il arrive souvent que les textes existants soient obsolètes, comme le Code pénal qui date de 1810. L'accès internet a permis de mieux répondre aux besoins des femmes que ces organisations desservent. Amaïcool Mpombo, de l'Association des femmes juristes du Congo, décrit ce changement :

Avant l'Internet, les gens devaient aller à la bibliothèque. Les livres de droit sont chers et la plupart des gens ne peuvent pas les consulter facilement. Mais même alors, les femmes dans le monde du travail n'avaient pas assez de temps pour aller à la bibliothèque. Maintenant, quand je suis dans mon bureau, je peux facilement accéder à l'internet et trouver l’information dont j'ai besoin sur les sujets qui m'intéressent. L'internet est d'une importance fondamentale et nous aide considérablement dans notre travail, surtout pour améliorer nos recherches afin de pouvoir mieux aider les personnes qui communiquent avec nous.

On ne saurait assez répéter combien l’internet a contribué au plaidoyer et à inciter au changement dans les lois, les politiques et les programmes pour les femmes.

Facteurs limitant l’utilisation de l’internet dans les organisations de femmes

Il est important de rappeler que l'électricité est une condition préalable à l'accès internet. Or, le réseau électrique reste insuffisant et peu fiable dans les zones urbaines et rurales, ce qui représente un obstacle considérable à l'accès internet. À Sibiti, Makoua, Mossaka et Mossendjo notamment, la population dispose seulement de l'électricité entre 18 heures et 23 heures, et sans qu’elle ne soit garantie, malgré les efforts actuels visant à amener l'électricité vers ces régions.

Puisque le pays manque d'infrastructures de base, les infrastructures de TIC sont également insuffisantes. Le Projet de couverture nationale vise à élargir l'accès aux régions éloignées et à les rapprocher de l'accès universel haut débit. Le pays prévoit également de rejoindre le réseau de câbles à fibre optique de l’Afrique de l'Ouest dans le cadre du projet WACS. Le projet CAB Congo-CITCG (programme du réseau dorsal de l’Afrique centrale –Infrastructure et technologie de communication) devrait également améliorer la connectivité.

En outre, la concurrence dans le marché du téléphone mobile s'est intensifiée au cours des dernières années. Par conséquent, environ 70 % de la population du pays est couverte par un signal GSM par rapport à 48 % dans les pays africains riches en ressources naturelles, selon une étude de mars 2010 publiée par l’Etude diagnostique des infrastructures nationales en Afrique (AICD). S'il est vrai que toutes les entreprises de téléphonie mobile offrent un accès internet grâce aux modems, il faut admettre que non seulement le service est extrêmement médiocre, mais que certaines régions ne sont toujours pas complètement desservies.

Le manque d'infrastructures s’accompagne d’un manque d'ordinateurs personnels. Selon une étude de 2010 effectuée par l’Association Pratic, 0,9 % de la population utilisait des ordinateurs personnels et 56 % des téléphones mobiles usagés. Certes, la situation a évolué depuis, mais pas énormément, et le prix d'un ordinateur reste élevé, au moins 500 USD.

Il existe un écart entre l’accès internet des femmes en milieu rural et en milieu urbain. La situation socioéconomique des femmes, les responsabilités familiales et le manque de contenus répondant à leurs besoins peuvent expliquer le désintérêt de certaines femmes.

L'utilisation stratégique de l'internet par les organisations de femmes pour faire avancer les droits des femmes suppose qu'elles sont déjà des internautes avertis. Or, les femmes manquent encore de compétences technologiques. Selon des enquêtes menées auprès de 15 organisations, parmi des groupes de 20 à 50 membres, en moyenne deux ou trois femmes seulement par groupe occupant un poste de direction sont formées et utilisent régulièrement l'internet.

Conclusion

Bien que l’internet soit un outil précieux pour la sensibilisation aux difficultés rencontrées par les Congolaises, l'accès internet reste limité pour de nombreuses femmes. Par conséquent, il importe de prendre des mesures pour donner aux Congolaises de toutes les couches de la société et de toutes les régions la possibilité d'accéder à l’internet et de l’utiliser pour devenir autonomes et contribuer au développement du pays, ce qui ne sera possible que si les mesures proposées sont mises en œuvre.

Mesures à prendre

Pour permettre aux Congolaises de bénéficier de tout ce que l'internet offre, la société civile, le gouvernement et même les groupes internationaux doivent prendre certaines mesures :

Organisations de la société civile

  • Former les femmes à l’utilisation stratégique de l’internet dans le domaine des droits des femmes.
  • Encourager la création de contenus en ligne qui répondent aux besoins des femmes et des jeunes filles.
  • Demander des infrastructures de TIC dans tout le pays au niveau national.
  • Encourager le réseautage et la collaboration entre les différents mouvements et organisations sur l’internet.

Autorités publiques

  • Poursuivre les projets de raccordement au réseau de fibres optiques.
  • Adopter des politiques pour amener l’électricité dans les régions rurales et éloignées.
  • Intégrer l’enseignement des TIC au système éducatif congolais à tous les niveaux.
  • Formuler et adopter des politiques juridiques pour protéger les femmes en tenant compte de l’utilisation stratégique des TIC.

Organisations et partenaires internationaux

  • Accorder à la société civile les ressources financières nécessaires pour former les femmes à l’utilisation de l’internet.

References

[1] Le blogue feministescongo.wordpress.com publie des articles de femmes. www.iteco.be/Au-Congo-des-blogs-pour-les-femmes, arletteraymonde.unblog.fr/2009/12/30/la-cedef-bilan-et-perspectives, azurweb.blogspot.com/2008/02/formation-pour-le-leadership-des-jeunes.html et pambazuka.org/fr/category/features/66640 sont d’autres blogues sur le droits des femmes.

[2] Plusieurs blogues publiés par des femmes sur la violence peuvent être consultés à feministescongo.wordpress.com/blogroll-des-congolaises

 [AF1]I think it is fine to take out the bit after this?